La deuxième symphonie, celle qu'on appelle "Résurrection". Obtenir la résurrection alors qu'on a derrière soi une seule et unique symphonie, faudrait pas exagérer.
Et il semblerait que personne ne soit très en faveur de cette résurrection. Tout le monde crache sur son œuvre. Debussy tonnera par exemple : « Ouvrons l'œil (et fermons l’oreille)… Le goût français n’admettra jamais ces géants pneumatiques à d’autre honneur que de servir de réclame à Bibendum. » Tout ça après être sorti en plein milieu de l'exécution.
Et pourtant, s'ils savaient. Mahler entre définitivement dans la modernité avec sa seconde symphonie. Elle déborde de romantisme, tout est monumental dans sa "Résurrection". Et déjà, la constante psychologique est là, cette musique exprime bien plus que de nobles sentiments, que les émois d'un jeune Mozart, la fougueuse colère d'un Wagner. C'est une angoisse qui jaillit de tout ça, un profond mal-être du compositeur.
Et jamais un compositeur n'aura su exprimer ce trouble mieux. Le premier mouvement est fait de contrastes, il est cette ambivalence du compositeur, entre moments guerriers et triomphaux, plein de révolte, déchainement de violence et moments de grâce qui ponctuent ce besoin de trop en dire, de tout faire jaillir.
Après ces difficiles et sombres vingt premières minutes, il faut se reposer les oreilles dans des thèmes très classiques et faciles. Le deuxième mouvement est là pour ça. Toujours l'ironie de Gustav Mahler, on ne sait jamais de quel côté il est, le précurseur ou le gentil compositeur qui fait ce qu'on attend de lui. Il disait pourtant que "la tradition, c'est de la fainéantise". C'est pour ça qu'il y a cinq mouvements ce coup-ci. Adieu la symphonie canonique et ses quatre mouvements ! Mais comme faut pas être trop joyeux longtemps, ce second mouvement devient vite assez sombre. Faut pas déconner, on est pas là pour danser.
Et puis, quand le quatrième mouvement commence, le temps s'arrête. Une voix d'ange se pose sur des cuivres discrets... L'introduction de chœurs et de voix dans la symphonie, Mahler la doit à son maître Beethoven. C'est solennel, presque religieux, pesant comme un silence profond.
Le cinquième mouvement vient briser cet instant de contemplation avec une entrée fracassante... Ce mouvement est semblable au premier. C'est la résurrection du véritable style Mahler, après trois mouvements plus discrets. Trente cinq minutes de tourments, avec voix et silences, cuivres fiers et d'audacieuses dissonances. L'apothéose de la symphonie, le meilleur pour la fin. Une lente marche vers l'éternité qu'offre la résurrection.
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