samedi 8 mai 2010

The Favorite Game.

Il y a chez moi un vieux vinyle usé. La tranche est ouverte, le disque est tellement rayé que la musique se noie sous des craquements, ce qui donne un cachet indéniable. Sur ce disque, il y a un homme, le regard triste, une expression de calme profond qui émane de tout son être. On distingue un semblant de costume. et une raie à gauche ratée. Avec un nom comme Leonard Cohen, il ne peut être que vieux juif errant. Un beatnik ermite, vagabond errant dans les rues les mains dans les poches, la tête doucement inclinée, traînant des pieds dans le New York de Salinger.

La sobriété l'a poussé à appeler son premier disque "Songs of Leonard Cohen", les chansons de Leonard Cohen, comme une évidence. Il évite les artifices, il évite de tourner en rond et livre sa poésie, sans fard. On peut parler de poésie, comme celle d'un Bob Dylan. S'il y a bien deux des chanteurs qui ont eu l'étiquette de "poète" et qui la méritaient, c'était eux. Jim Morrison, du vent à côté de la noblesse et de la profondeur d'un "One of Us Cannot Be Wrong" ou d'un "Ballad in Plain D".
Leonard Cohen ne connaît pas de détours. Il est là, tranquille, et déclame armé de sa guitare. La manière dont il articule ses phrases de sa voix triste remplit peu à peu l'espace. Ses chansons semblent aux premiers abords ennuyeuses. Les premières fois sont toujours décevantes. Mais, petit à petit, ses chansons grandissent en chacun, s'octroient une petite place. Puis une plus grande. Elles accompagnent discrètement chaque moment d'existence. Sans même le savoir, il existe une chanson de Leonard Cohen pour chacune de vos émotions. Du triste remord de "Hey, that's no way to say goodbye" à la félicité de "Sisters of Mercy", sans oublier l'amertume noble ou la détresse aiguë exprimées avec un recul terrifiant. ("Chelsea Hotel #2", écrite plus tard pour Janis Joplin en est le plus bel exemple, et par la même occasion la chanson la plus triste qui existe sur terre - regardez-le raconter l'histoire de la chanson avec humour, faire rire le public alors qu'une lente larme coule sur sa joue).

Pourtant, derrière l'humilité et la sobriété de Leonard Cohen, il y a quelque chose d'une autre dimension. Il plane et erre au-dessus de l'homme, de la vie. Il les raconte, les décrit sans prétention. Il s'en amuse et il les pleure.
C'est pour ça que ce vinyle a atterri chez moi. Il se transmet de génération en génération. Comme disait Bob Dylan, les temps changent. Mais le regard de Leonard Cohen reste le même. Toujours désabusé, mais jamais effondré.

C'était en 1967, Leonard Cohen sortait de l'ombre avec Songs of Leonard Cohen chez Columbia, bien sûr. C'est John Hammond qui l'a découvert, comme il a découvert Bob Dylan.
Beck, le touche à tout de l'indie a repris l'intégralité de ce disque avec pas mal de réussite. Et surtout avec de l'omnichord, le plus bel instrument du monde. C'est là.

8 commentaires:

  1. Dylan oui, d'autant plus que Leonard Cohen s'est mis à écrire des chansons après avoir entendu Dylan chanter a hard rain a gonna fall...

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  2. Dylan est au commencement de tout, de toute façon.

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  3. Dimanche soir; dans le noir.
    Je me lève pour changer de face.
    C'est vrai qu'on peut difficilement faire plus sobre. Plus triste et plus beau non plus.
    Le vinyle est vieux, usé d'être écouté, plus d'un dimanche sur deux. I know the words of every song. Je me dis que demain (ou mardi, au plus tard) je croiserai Suzanne, Marianne ou une soeur de la miséricorde. Je me dis souvent ça le dimanche soir. On peut toujours rêver.
    Mais certains dimanches soirs, quand Leonard est là, on peut toujours y croire.

    Are your lessons done?
    Are your lessons done?

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  4. Songs of Leonard Cohen est l'un de mes albums de chevet. Je n'ai pas trop apprécié ce que Beck en a fait. Mais bon, 3 écoutes n'étaient peut-être pas suffisantes. J'y referai un tour demain.

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  5. Moi j'ai surtout aimé son "One of Us Cannot Be Wrong". Mais bon ça reste un album honorable de reprise, sans pour autant titiller Cohen.

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  6. Oui, l'album s'écoute sans véritable déplaisir ... Ce concept est même assez original, mais bon, les originaux sont là ;-)

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  7. Il avait fait pareil avec The Velvet Underground & Nico et là c'était franchement raté.

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  8. Je t'avouerai ne pas être allé au bout de l'adaptation de The Velvet Underground & Nico. Profondément rasoir & inutile :-(

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