dimanche 14 novembre 2010

La Machine Infernale.

La langue de Goethe, la langue du romantisme, la langue de la philosophie. L'allemand est à la fois la langue de la rigueur, celle dont Hegel fait l'apologie pour sa pureté, et la langue de la poésie romantique, de la souffrance du jeune Werther. Parce que chaque mot renvoie à un concept précis, elle est dépourvue de toute ambiguïté, l'allemand est précis comme une machine, une mécanique bien huilée aux sons particuliers, entre agression et grâce.

Alors avant tout, il faut mémoriser ce nom. Einstürzende Neubauten. Avec le tréma où il faut. Ensuite, il faut apprendre à le prononcer. Et la même chose avec les noms d'albums. Tâche assez difficile. Mais le plus dur, l'air de rien, reste l'écoute. Se plonger dans le dédale Einstürzende Neubauten est aussi douloureux que de cracher ce nom. Le groupe allemand n'est pas là pour faire dans la grâce. Il a choisi son camps, celui de la violence et de l'agression, le camps de l'intensité pure. Aux sons imperturbables des machines s'ajoutent des incantations terrifiantes dans cette langue ô combien forte. On croirait un prophète déchu sur un trône qui s'effondre, annonçant l'apocalypse, la fin de tout, porté par un enthousiasme quasi malsain, les yeux fous et des gestes incontrôlés. Chercher une accroche dans ce déluge industriel post-apocalyptique revient à chercher de l'humanité dans le regard d'un marteau-piqueur. Le concret explose aux oreilles dès les premiers sons. Pas de musique, des sons métalliques. Il y a dans ce disque plus de tourments et de folie qu'il n'en faut. De la première à la dernière seconde, ce n'est que déchaînement de violence irrationnelle. Un amas glauque de sons et de hurlements dans une langue gutturale. Mais de tout cela jaillit une émotion rare. "Armenia" hante longtemps, par sa beauté froide, ses hurlements déchirants et ses implosions de douleurs. Inutile d'attendre des mélodies, ce n'est que le bruit d'une machine infernale qui s'emballe.

En 1983, Einstürzende Neubauten sort le terrifiant Zeichnungen Des Patienten O.T sur le label Some Bizarre, de l'effroi pur.

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