lundi 17 janvier 2011

Don't Think Twice, It's All Right.

J'appréhende ce moment, énormément. J'ai beau m'y attendre, je sais que ça arrivera, que c'est inévitable. Je sais qu'à un moment, bientôt, je serai frappé et abasourdi par une nouvelle banale. Une de ces nouvelles qui font la une des journaux, alors qu'elles ne sont pas grand chose au final. Elle ne pourrait qu'être une ligne dans la rubrique nécrologie. Ma première réaction sera sans aucun doute "oh merde". Et puis rien. Le vide.

J'appréhende ce moment où je perdrai Bob Dylan. Où j'entendrai à la radio, où je lirai quelque part qu'il n'est plus. Même si je me moque de lui, en rabâchant qu'il aurait dû mourir plus tôt et éviter les années 80, fatales musicalement. Même si en quelques sortes, il était mort, et sa résurrection s'est faite grâce à Daniel Lanois en 1989. Avant de mourir à nouveau, à petit feu, au son des chants de Noël.
Et, rien de logique. Bob Dylan n'est en rien sympathique, au contraire. Je ne le connais pas. Ce n'est pas mon grand-père, il n'est rien par rapport à moi. Il n'est qu'un pauvre gamin vieilli par les années, toujours accroché à sa guitare, à tourner encore et toujours, plus pour la beauté du geste que pour la musique. Il est toujours aussi moqueur, encore pince-sans-rire, pionnier de l'absurde. Sauf que voilà, s'il est une chose inexplicable, c'est bien Bob Dylan.

Il m'est impossible d'expliquer pourquoi il fascine. Le talent d'écrivain ? Il répondrait qu'il fait danser les gens. La spontanéité de sa musique ? Il répondrait qu'il fait de la musique mathématique. Parce il est insaisissable ? Il répondrait que non, bien sûr que non, il est comme vous et moi, qu'il aime ses gosses, qu'il a aimé ses nombreuses femmes, qu'il cherchait juste à tuer le temps. Son engagement ? Ce n'est qu'une chimère, quelque chose qu'on a voulu croire, qu'il a fait plus par amour pour Joan Baez que par conviction. Alors pourquoi ? Parce que c'est Bob Dylan. Et les explications argumentées s'arrêtent là. Il repousse le cadre de la démonstration, de l'explication. Il surpasse toutes les règles de la dissertation, explose les cadres, en quelques mots posés sur trois accords.

Dans la fascination, il y a quelque chose de divin. On écoute Bob Dylan comme pour entendre la bonne parole. Sachant pertinemment qu'on y trouvera ce qu'on cherche. Qu'importe ce que l'on cherche. Alors oui, les temps changent, Bob Dylan s'en ira un jour. Il fera la une du New York Times, sa source d'inspiration, et du Time Magazine, son ennemi juré. Il aura un monument dans le Village, ou plus. Des gens le pleureront, iront déposer des fleurs, des petits mots. Comme pour les autres, Michael Jackson, Lady Diana, John Lennon. Et, finalement, en imaginant que cela puisse arriver à Dylan, je les comprends. C'est irrationnel, mais c'est ainsi. Dylan envoûte, point.

Néanmoins, il n'a pas besoin d'être mort pour que sa maison de disque, Columbia, tire tout le profit possible de la mine d'or. Ils sortent des bootlegs que tout dylanien pratiquant possède déjà, mais avec un son plus propre. On y découvre des inédits, des versions rares, du piano, de la mélancolie et des rires, parfois les deux entremêlés. Ca s'appelle les Witmark Demos, ça a été enregistré entre 1962 et 1964, et c'est rassurant comme ce Mr Tambourine Man, prêt à jouer alors que les empires s'affaissent, que les fleurs fanent et que les idoles meurent.

2 commentaires:

  1. Je te rejoins tout à fait, Dylan fascine, et pour ma part, j'ai presque l'impression de le connaitre (enfin, celui de 1966 en tout cas, à force de voir et revoir No Direction Home).
    Et je viens de me faire la remarque, tu ne trouves pas qu'au fond, Céline et Dylan ont un peu la même manière de répondre aux interviews ? Même si le second assume plus la déconnade que le premier.

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  2. Dylan était quand même le premier à assassiner les journalistes. Autant il pouvait être totalement absurde, élevant ça à l'art quasiment. C'était un jeu, parce que Dylan était célèbre.
    Céline, dans le même genre oui, mais complètement blasé. Donc ouais, la même chose, mais dans des formes différentes.
    Les deux sont à mourir de rire, dans tous les cas.

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