Les Possédés, Fédor Dostoïevski
Et voilà, c'est ainsi que Stepan Trofimovitch, la vieille gloire des poètes et penseurs russes des Possédés, s'insurge contre la nouvelle pensée, contre les ravages de ces mouvements qui fleurissent partout, prêts à s'enflammer comme les plus basiques brindilles. Il s'insurge et lance Shakespeare et Raphaël dans le combat. L'art au-dessus des idées, l'Art, au-dessus des envies d'égalité. Rien ne devrait être réaliste. Discours enflammé et profondément Romantique. Il dénonce la bêtise socialiste qui pointe le bout de son nez - rouge - en Russie, sans réellement savoir qu'il est partisan d'une autre bêtise, tout aussi naïve, nue et niaise : la foi en l'art. Son discours, c'est l'apogée de la bêtise, au sens le plus noble du terme. Plus que le socialisme, l'art sauvera le monde et la Russie. Parce que l'art est sensible et beau. Et que la Beauté est la condition sine qua none à tout. Rien n'a de sens sans ce concept pour Stepan Trofimovitch. C'est dans cette conviction que s'explique son hyper émotivité, ses caprices, sa sensibilité exacerbée. Il est un grand romantique.
The Smiths comme les Possédés. Hanté et bien trop sensible, Morrissey se réfugie dans des coins sombres et apaisants comme l'habitation d'un Stepan Trofimovitch, des lieux où la Beauté est reine et la réalité n'a pas de prise. C'est comme fuir, mais par la création. S'enfermer dans un monde parallèle et insaisissable. Et on retombe sur la bêtise. Parce que l'on veut lire entre les lignes, on veut découvrir ce qui se cache derrière ces textes noirs. Le mystère naît là où la bêtise d'y croire commence. C'est parce que Morrissey y croit bêtement, à la musique, il croit sûrement que sa musique sera un exutoire, qu'elle exorcisera ses peines, qu'elle prendra plus soin de lui que Margaret Thatcher. The Smiths volent alors entre deux eaux. Le ridicule et la grâce. Le ridicule du Romantisme exacerbé où la peine prime sur tout, amas de complaintes. La grâce, quand on geint avec noblesse et ironie. Et c'est la bêtise de Morrissey qui fait pencher la balance du côté de la grâce.
2010, la lumière ne s'est toujours pas éteinte pour les Smiths, puisqu'un Unreleased Demos And Instrumentals apparait, des chutes, des prises inconnues, un nouveau bootleg pour perpétuer la foi en la bêtise.
T'as enfin fini le livre ? Belle citation en tout cas, comme beaucoup de celles de Trofimovitch en général.
RépondreSupprimerJe suis absolument fan de ton article. Même si je suis plus Gogol ces temps-ci.
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