jeudi 3 novembre 2011

Jetlag.



L'an dernier, The Black Dog s'amusait à recréer les dédales sonores des aéroports. Plus qu'un hommage à Brian Eno, c'était l'angoisse qu'ils agençaient, à grands coups de bruits de fond flous et de palpitations comme le brouhaha d'un terminal. Entre les retards incessants, les annonces ininterrompues et le manque de sommeil, Music for Real Airports était assez anxiogène pour rappeler les dizaines d'heures perdues en translation dans les aéroports, dans ces tubes de fer qui volent et dans diverses gares. Mais il manquait quelque chose, et à y regarder de plus près, c'était très simple. Si les aéroports sont ces rouleaux compresseurs, ces catalyseurs de migraines, pourquoi s'infliger un album qui reproduit cet état ?

Tout ce que l'on cherche dans ces éternités d'attente, c'est à tuer le temps, c'est fuir ces bruits continus qui s'abattent sur les oreilles. Il y a de nombreux moyens pour se vider la tête. Un magazine un peu idiot, un bon livre, se cacher derrière son ordinateur, et l'indéboulonnable musique, à jouer plus fort que les sons d'ambiance trop réels de l'aéroport. Paradoxalement, on ajoute une couche de bruit au bruit, on offre une opportunité de plus aux maux de tête de s'infiltrer dans le cerveau, mais la musique a ici quelque chose de salutaire : elle distrait. Dans ces états de fatigue extrême, elle est une porte de sortie. Elle est un moyen de s'échapper du tohu-bohu. On se concentre sur ce qu'on écoute, on y réfléchit, on se retrouve bizarrement à esquisser quelques hochements de têtes et quelques déhanchés.

Alors, comme pour se rattraper d'avoir infliger au monde entier les angoisses du voyage avec leur album précédent, The Black Dog se reprend sur Liber Dogma, comme s'ils avaient compris que la véritable musique des aéroports, c'est celle qu'on écoute au-dessus du bruit. Il faut que celle-ci soit parfaitement lisible pour ne pas se confondre avec l'ambiance alentour, les bips et les annonces de voix mécaniques. Il faut aussi qu'elle soit dense et grave, pour recouvrir complètement le bruit de fond. Enfin et surtout, il faut que cette musique soit assez entrainante pour vous permettre d'oublier où vous êtes, que vous attendez depuis deux heures que votre compagnie vous donne un signe de vie, que le personnel de l'aéroport nettoie la neige de la piste de décollage ou simplement que l'interminable ligne d'attente bouge d'un millimètre.

Liber Dogma balance alors sa techno puissante comme une évidence. Peut-être bien que je suis là depuis des heures, complètement à bout, fatigué d'être assis, les jambes endolories et des cernes aussi noires que l'asphalte, mais dans mes oreilles, il se passe quelque chose de plus fort. Les beats prennent le dessus sur la fatigue, on retrouve presque ces sensations magiques de fin de festivals, où qu'importe le rythme, on danse de la même façon, comme un robot. Liber Dogma tapisse sa marche infernale de petits détails qui fabriquent l'addiction, une orfèvrerie assez discrète mais primordiale, comme si Autechre tapait dans la techno. Cette précision du glitch, ce sens du détail forme un ensemble plus grand et imparable, comme si The Black Dog, sans même le vouloir, avait inventé la "Music to forget you're stuck in a real airport".

The Black Dog a donc sorti le 24 octobre dernier son Liber Dogma chez Soma Recordings. Et même si ça ne dure qu'une petite heure, ça reste une petite d'heure d'attente tuée.

3 commentaires:

  1. J'ai l'impression que je vais préférer cet album au précédent qui m'avais laissé froid. Mais ça n'a pas l'air d'être trop mon truc aussi...

    Et j'suis déçu, j'pensais que tu parlerais de la chanson de Simple Plan.

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  2. J'ai presque été écouter la chanson de Simple Plan de ta faute...

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  3. Ça t'a marqué d'être resté coincé à JFK!

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