En Afrique du Sud, il n'y a pas que la coupe du monde, Nelson Mandela est une équipe de rugby qui mérite que Clint Eastwood s'y attarde et en fasse un très mauvais film (ce qui, soit dit en passant, est dommage, parce que ses films précédents - Changeling en tête - étaient réussis). L'Afrique du Sud ne peut être limitée à l'apartheid. Et puis on parle pas assez de jazz ici.
Abdullah Ibrahim s'appelait Dollar Brand avant. Comme Yusuf Islam qui s'appelait Cat Stevens avant. Abdullah Ibrahim a joué avec les plus grands, Archie Shepp, Don Cherry et un certain Duke Ellington. C'est un vieux monsieur aujourd'hui, aux lents mouvements qui transmettent un calme apaisant. Il était en concert à Lille il y a peu, et il a montré à quel point sa musique lui ressemble. C'était un de ces moments dont on a tout oublié, sauf la sensation qui demeure, quelque chose comme un rêve éveillé.
Forcément, l'apartheid marque quand on est né en 1934 au Cap, et qu'on est noir. Lutte sociale obligatoire, cette dimension se ressent dans sa musique (pas trop dans cet album, vu que c'est le dernier) et surtout chez Dollar Brand. L'avantage du jazz, c'est que l'auteur peut s'engager sans se vautrer avec des paroles dignes de l'Aragon engagé et mièvre. L'engagement sans texte est beaucoup plus noble, beaucoup plus diffus et subtil, moins transparent.
Que ce soit seul au-dessus de son piano, en trio pour lancer du rythme et des hochements de tête ou dans le blues, Abdullah Ibrahim sait y faire, avec une patte particulière, emprunte de la terre de son pays, mais sans revendications explicites et de mauvais goût.
Les thèmes s'en vont et reviennent, des moments de pure beauté subjuguent avant de s'élancer à nouveau dans un thème digne du New York des belles années, ou avec l'ambiguïté du White Material de Claire Denis : l'Afrique dans toute sa beauté et sa complexité.
Abdullah Ibrahim, même en 2002, résume ce qu'est son jazz. Un balancier entre tradition et modernité, passé et présent. Pas de frontière, pas d'apartheid dans sa musique.
C'était donc en 2002 chez Enja, et ça s'appelle African Magic.
Et le pire, c'est que ce disque sublime est loin d'être le meilleur.
"ce disque sublime est loin d'être le meilleur", tout à fait exact.
RépondreSupprimerIl y a bien entendu tous les vieux Dollar Brand.
Sinon, il y a Yarona (de 1995), dispo dans les bacs à Moulins.
Je sais quoi écouter en arrivant au boulot demain ;-)
"L'engagement sans texte" voilà bien le leitmotiv du jazz. Toujours incroyable comment uns musique instrumentale aura pu être si politique.
RépondreSupprimerAhahah toi qui l'aimais pas quand je l'ai fait tourner sur GP ! :)
RépondreSupprimerFaut écouter Echoes From Africa avec Johnny Dyani aussi.
Mais je l'ai gardé, puis réécouté, puis aimé, faut croire que j'avais confiance en toi !
RépondreSupprimerÇa se passe ton année en fait ?