lundi 26 avril 2010

Lost in Translation.

Cette semaine sera la semaine d'un petit jeu. Histoire de montrer que B&M est un blog culturel de haute volée, qui tape dans la plus pure violence symbolique et que ses rédacteurs sont des gens super intelligents, je vais prendre comme début de la chronique quotidienne le sujet du concours de Normale Sup'. Ce sera parfois très difficile de mêler un disque choisi à un sujet complètement aléatoire, mais ce sera drôle.


Aujourd'hui, c'était le sujet de littérature.

"Le poème profond n'invente pas, il retrouve chaque fois un peu autrement. Il rejoint le même, il retrouve l'essentiel, cette donne fondamentale, cet originel qui était déjà là".

Judith Schlanger, La Mémoire des oeuvres

Le sujet est vraiment peu intéressant, mais ça colle plutôt bien avec le dernier disque de 65daysofstatic, We Were Exploding Anyway. Et dès qu'on parle de poésie, on en revient à Baudelaire de toute façon. Baudelaire et son idéal platonicien, la poésie comme moyen d'atteindre un monde supérieur, pur et sans artifices. Atteindre l'essence même des choses. Un bien bel idéal, mais est-ce que c'est réalisable ? Est-ce qu'une suite de mots peut tendre vers un but si ambitieux ? Je pourrai énumérer les nombreux paradoxes qu'il y a derrière ce projet (particulier/universel, le paradoxe de la représentation...), mais faut quand même parler du disque.

Parce que, dans un sens, le post-rock s'approche pas mal de cette poésie. Épurer, ne laisser que l'essentiel et l'orner, souligner ce qui est déjà l'essence même de la musique. Et justement, parce qu'il y a cette même prétention, le post-rock tombe dans les mêmes travers que la poésie. Le trop pompeux, trop épique, trop long. Le post-rock est à la musique ce que Victor Hugo est à la poésie d'une certaine manière.
Mais heureusement, Baudelaire est arrivé. Baudelaire a dit : "Au fond de l'inconnu pour trouver du nouveau". Et tout est dit. Baudelaire utilise ce projet inaccessible comme moteur. Il l'utilise pour créer, pour inventer, pour aller plus loin, plus haut dans son élévation. Il transmet par la même occasion le relai à Rimbaud. Il récupère la prose d'Aloysus Bertrand pour en faire Le Spleen de Paris. Il essaie tout, recherche son idéal de pureté. Il ne le trouve pas, mais il offre quelque chose de bien moins lourd et prétentieux que les autres, quelque chose d'assez incroyable.

65daysofstatic, dans une moindre mesure, suit Baudelaire. Ils font du post-rock, mais à la manière d'un Baudelaire. Ils n'oublient pas le caractère épique, l'abondance de thèmes, de mélodies, la complexité, la longueur... La prétention en un mot (la pochette en témoigne, si c'est pas une pochette qui se veut "arty" ça !). Mais, 65daysofstatic mélange à ce post-rock des boucles électroniques frénétiques, des sons d'outre-tombe et des accélérations et ralentissements incessants. Le son numérique côtoie les tendres violons. La voix torturée de Robert Smith se mélange aux guitares homériques. 65daysofstatic évite les faux pas avec grâce, le "trop" du post-rock en le mâtinant d'electronica, mais sans perdre la saveur même du post-rock. Comme de la poésie en prose.

We Were Exploding Anyway sort cette année chez Hassle Records, et enfonce le clou.
Demain, ce sera au tour de l'Histoire. Les liens seront un peu plus difficiles à établir.

13 commentaires:

  1. Pour le sujet de math tu nous prépares un post sur Don Caballero? Haha
    Belle performance en tout cas!

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  2. Je comptais plutôt faire un disque de Ligeti. Mais du math-rock pourquoi pas.

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  3. N'hésites pas à me reléguer un sujet qui t'obstrues, ça me botte bien ta démarche!

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  4. Fais gaffe je vais te refourguer la philo !

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  5. Au fait, ton article est tout de même louche: je trouve que cet album de 65dos est quand même très éloigné du post rock quand même...
    Il est très splash tchak tchak boum quand même, et surtout moins bon que "The Destruction Of The Small Ideas" et "Fall Of Math".

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  6. Ouais, mais il est épique comme du post-rock. Alors ça marche.

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  7. Disons qu'on a pas la même définition sur le genre. Mais je suis assez fier de t'avoir fait apprécier le post rock! (chose peu évidente au départ, hein).

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  8. Tu peux.
    Enfin, à part un disque de Godspeed, Explosions in the sky et quelques trucs de Do Make Say Think (et le projet solo Years), j'aime pas.
    Mais ça fait déjà beaucoup, en fait.

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  9. Tu t'en sors bien, même si c'est bien capillotracté comme il faut, comme une dissert de litté quoi, où on essaye de faire dire un peu ce qu'on veut au sujet!

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  10. Joli texte :) Ce 65daysofstatic est comme toujours très bon (même si j'en attends toujours plus). Ce sera publié jeudi chez moi.

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  11. Message pour Nathan de la part d'un petit camarade des Danielson :
    je voulais t'envoyer un message, mais aucune trace de "contact" sur B&M... Sur mon site à moi, par contre, tu peux m'écrire.
    Bien à toi
    Henri-Jean Debon

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  12. C'est vrai, qu'il n'y a pas de contact. Je vais en mettre un.
    Sinon, tu peux m'envoyer un mail à nath.fournier@nordnet.fr par exemple.

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