jeudi 15 avril 2010

Mort à Venise. 8/10.

Luchino Visconti est intrinsèquement lié à Gustav Mahler. Ceci explique le titre de ces articles, d'ailleurs. Luchino Visconti a beau être italien, il glisse de la musique autrichienne dans ses films. Ce n'est pas tellement étonnant en fait. La musique autrichienne de Mahler, de Bruckner ou de Schubert à cette délicatesse et cette noblesse dans l'expression des sentiments que le cinéma italien a. Et surtout Visconti. Fellini fait de la farce une œuvre d'art, Antonioni sublime tout ce qu'il touche avec l'esthétique parfaite. Visconti, lui, s'attarde sur le temps qui passe. Sur le progrès qui détruit l'héritage de nos ancêtres. Edmond Burke crachait déjà sur le progrès et la révolution, sans beaucoup de finesse. Visconti le fait, avec du dramatique, avec une tragédie. Que ce soit Senso et l'amour qui disparaît derrière la cause et l'intérêt, Mort à Venise et la beauté qui se fane, Venise la belle qui s'enlaidit, Rocco et ses Frères et la disparition de la famille ou encore Il Gattopardo et le constat amer et résigné d'un aristocrate, Visconti injecte dans cette nostalgie passéiste son génie pour surpasser le passé, et voir plus loin.

Mahler, c'est la même chose. Il explique que la tradition, c'est de la fainéantise mais ne renie jamais son héritage : Beethoven et Wagner (Wagner est mort à Venise, le hasard fait bien les choses). Mahler prend ses distances avec les codes. Il rajoute des mouvements, découpe sa symphonie en deux grandes parties, ajoute des chœurs et des voix et... il fait des symphonies pour mille personnes. Récemment, ils ont dû la jouer à Bercy pour avoir la place nécessaire. A l'époque, il n'y avait pas les mille protagonistes.
Folie des grandeurs, mégalomanie ou la simple ambition de donner de l'ampleur au tragique de son œuvre ? Il y a de tout cela. Mais avec sa huitième symphonie, Mahler ouvre le chemin de Visconti, de la musique en technicolor, noble et tragique, d'une ampleur émotionnelle rare, d'une force presque divine.



3 commentaires:

  1. Pourtant c'est plus l'adagietto de la 5ème symphonie qui marque Mort à Venise non? (enfin je dis ça par rapport à la pochette de la 8ème qui illustre l'article et même si pour vous la 8ème est "Viscontienne")

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  2. Oui bien sûr. C'est la cinquième qui est indéfectiblement liée à Visconti.
    Mais c'est pas ce que j'ai revu "Senso" cette après-midi, et qu'il y a un Franz Mahler dedans (même si c'est la septième de Bruckner qui hante le film). Ce qui m'a rappelé mon projet de partager les dix symphonies. Il ne m'en reste que deux, maintenant.

    Visconti est obsédé par Mahler, c'est son modèle je pense. D'où le lien.

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