samedi 24 avril 2010

Underground.

Est-ce que se donner un air de génie fou excuse tout ? Est-ce suffisant pour être légitime ? C'est la question que je me pose en inspectant rétrospectivement la filmographie de Tim Burton. A part Edward Scissorhands, l'association Burton/Depp n'a plus rien donné. Toujours la même chose, toujours la même esthétique, toujours les mêmes thèmes, la poésie en moins. Pourtant Burton reste le génie "un peu fou", admiré par tout le monde. Dérangeant. Surtout que cela empiète sur mon image de Johnny Depp. Il est plutôt bon. Ou plutôt, "il était plutôt bon". Il avait joué avec Terry Gilliam, bien loin des artifices que lui offre Burton, et il avait tourné dans le film américain de Kusturica, Arizona Dream.

Oublions donc le Johnny Depp récent, efféminé et ridicule. Prenons le jeune ambitieux, prêt à se frotter à la vraie folie, à l'amour. Le Johnny Depp d'Arizona Dream côtoie Vincent Gallo qui rejoue La Mort aux Trousses, il côtoie Faye Dunaway qui veut voler, Lili Taylor qui joue de l'accordéon pour ses tortues. Il y a quelque chose de singulier dans chaque film de Kusturica, une identité propre qu'on ne peut lui enlever, mais qui ne l'empêche pas de varier, d'innover. Cette petite chose, c'est une folie absurde. Des cochons mangent des voitures dans Chat Noir Chat Blanc, le scénario de Underground est de la folie furieuse. Une folie plus ou moins contrôlée qu'on retrouve dans Arizona Dream. Kusturica en fait quelque chose de beau. L'obsession amoureuse tourne au drame, forcément, à des moments de haine profonde qui cache les sentiments les plus beaux, à la A Woman Under Influence, d'un des plus grands, John Cassavettes. De la poésie pure, pas du Burton. Quelque chose de vrai et d'intense, avec des poissons qui volent, des eskimos qu'on ne comprend pas.

Et cette vérité est surtout portée par la musique de Goran Bregovic. Iggy Pop susurre des paroles morbides sur un air enjoué, des valses à l'accordéon sont belles à pleurer, mais surtout, deux titres portent à bout de bras les deux scènes de mort du film. La musique donne aux événements une puissance inimaginable, plus encore que le déluge, la pluie, la nuit ou quoi que ce soit. Deux scènes si intense qu'elles deviennent terrifiantes, qu'elles hantent.
Le squelette du film, ce qui donne le fil conducteur à l'œuvre, c'est sa musique. Elle explique les scènes et revient sans cesse, pour donner les clés de l'absurde. La touche épique est omniprésente, il faut magnifier l'irréel pour transfigurer le réel. C'est là le but de Kusturica et la réussite du film : dépasser ce que l'on voit. Un projet proche du cubisme en quelque sorte. Sans artifices. Mais tout cela n'est qu'un film.

7 commentaires:

  1. J'ai enfin retrouvé une chanson d'Iggy Pop que je recherchais depuis super longtemps ! In the Death Car, je savais bien que j'avais pas rêvé.

    RépondreSupprimer
  2. tu as supprimé ta chronique sur le Crystal Castles? Ou on te l'a sucrée?

    RépondreSupprimer
  3. Du fait de mon activité débordante, elle est juste passée en seconde page.
    http://brainfeedersandmindfuckers.blogspot.com/2010/04/le-chateau-ambulant.html

    RépondreSupprimer
  4. Mais c'est étonnant que le lien chez toi ne marche plus...

    RépondreSupprimer
  5. C'est réparé, curieux, ça marchait un jour et le lendemain, pouf, ça ne fonctionnait plus.

    RépondreSupprimer
  6. "A part Edward Scissorhands, l'association Burton/Depp n'a plus rien donné."
    Et Ed Wood quand même?! Mais mis à part celui ci, je suis d'accord.

    RépondreSupprimer
  7. Les dialogues d'Arizona Dream sont toujours puissants, on les collerait bien sur des instrus d'Aphex Twin... :) Ça m'a donné envie de le revoir.

    RépondreSupprimer