dimanche 2 mai 2010

Satan au Clavier.

Comment à s'attaquer au monstre Vladimir Horowitz avec des mots ? Comment décrire ses interprétations, à la fois puissante et pleine de grâce ? Il a traversé le siècle, s'est imposé peu à peu jusqu'à devenir "le meilleur". Le messie du piano, avec Arthur Rubinstein.
Horowitz n'a peur de rien, il ne se pose aucune limite. Il s'attaque à tous, de la virtuosité pure d'un Rachmaninoff au classicisme d'un Mozart. Il rétablit Scarlatti et ses sonates, et surtout, il s'attaque à Chopin comme personne ne peut le faire. Comme Rubinstein.

Vladimir Horowitz est le pianiste de la performance. La froideur du studio ne lui permet pas de se libérer, de s'offrir. Seul un public peut le pousser dans ses retranchements, le pousser à prendre tous les risques, à interpréter comme personne n'oserait. Le dernier mouvement de la Sonate 10 de Mozart le montre bien. Il n'hésite pas à marteler avec une violence dingue ses touches, avant de repartir avec une badinerie légère et souriante. Il s'approprie le génie des compositeurs et joue avec, comme si de rien n'était. Derrière son air russe austère, qui au fil des ans se dérida, il y a un personnage. Horowitz me fait penser à Kafka. Il est un monstre de technique, il pourrait être mécanique et frôler la perfection. Mais il joue. Il s'amuse avec les codes, les nuances. Comme Franz Kafka ; et si le tchèque, après tout, était un grand humoriste, prêt à pratiquer le cynisme, et loin du dépressif noir que l'on imagine quand on lit ses œuvres ? Un homme s'amusant à transmettre ce qu'il n'est pas, à troubler les interprétations ? Un travail de transformiste, en somme.

C'est en ça qu'Horowitz est un monstre. Il n'est jamais là où on l'attend. De l'outrance à la finesse, de la dépression à la fougue naïve. De Mozart à Chopin.
Ce concert a lieu à Moscou, au conservatoire Tchaïkovski. Horowitz enflamme la salle et la mène par le bout du nez. Il s'attaque à Scriabin, Scarlatti, Mozart, Liszt, Rachmaninoff, Moszkowski et surtout Schuman et Chopin, l'apothéose.
C'était donc en 1986, forcément chez Deutsche Grammophon, et c'est fascinant.

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