Sofia Coppola n'en a que faire de l'Histoire avec sa "grande hache" (ou guillotine, en l'occurrence), elle s'en moque éperdument, elle la déforme et la néglige. Elle s'attarde sur les histoires. Ou l'histoire, sans majuscule. Au point de nous faire regretter la révolution française. Comment peut-on guillotiner une jeune femme qui veut simplement fuir l'ennui ? Marie-Antoinette, sous le dessin de la fille Coppola, devient bien plus qu'une peste, une capricieuse adolescente plongée dans le grand bain de la cour de France, avec ses rituels délirants et ses manies ridicules. L'Histoire prend des traits réels, et l'histoire la surpasse. La guerre d'Indépendance américaine ? On s'en moque. Ce qui importe, c'est de savoir si Marie-Antoinette trouvera les souliers qui lui siéront le mieux. Qu'elle court dans le jardin du petit Trianon en robe avec sa fille. Rien de plus.
Et c'est tout à fait paradoxal. D'un côté, les macarons et les fastes dîners de la Reine. De l'autre, un peuple qui crève de faim. Le cœur balance et finalement, choisit le côté de la Reine. Parce qu'elle est jolie, parce qu'elle est pleine de malice, qu'elle lit Rousseau et qu'elle aime l'opéra. Et si nous, peuple français, démocrates convaincus pour qui la Révolution Française est la plus belle des libérations, à qui la Troisième République a inculqué tant de belles valeurs et une foi inébranlable en la liberté et l'égalité - surtout l'égalité - on se fait avoir, c'est bien que Sofia Coppola sait s'y prendre. Et Aphex Twin est une des raisons.
Aphex Twin fabrique l'ambiance du film. Il fait le paradoxe : une fête baroque sur un titre presque breakcore. Des dorures partout, pour une musique profondément sombre et angoissée. Marie-Antoinette et sa choucroute face à des frappes de cymbales à toute vitesse. L'anachronisme est extrême, le rendu est une réussite : Marie-Antoinette était en avance sur son temps. Elle n'était pas à la bonne place. Tout son ennui, toutes ses angoisses s'expriment par la musique de Richard D. James. Elle monte les interminables marches de Versailles sur "Avril 14th". C'est d'une effroyable beauté. Les robes traînent sur les marches, se salissent. C'est le début de la fin, et l'expression du plus terrible des conflits.
Le tableau se noircit peu à peu. Les couleurs vives laissent peu à peu leur place à l'obscurité, à des tons pastels, puis à des images ternes. Versailles était un paradis, c'est devenu une prison. Et ce disque, derrière les sons abstraits, dessinent quelques mélodies sibyllines, presque baroques. C'est l'itinéraire d'une Marie-Antoinette : une grande confusion, un grand vide, qui peu à peu, s'emplit, avant de fuir et de faire ses adieux. Il n'en restera que des ruines.
Aphex Twin sort Drukqs en 2001, chez Warp, bien entendu. Et c'est comme la Marie-Antoinette de Coppola : noble, complexe, malicieux et terriblement touchant.
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