Le blasphème, c'est évoluer. Mais ça reste nécessaire. Mahler disait que "la tradition, c'est de la fainéantise", et il avait raison. Sauf que sortir d'une tradition tellement ancrée, tellement forte, d'autant plus issue des dogmes religieux, ce n'est pas une mince affaire. Allez raconter aux anciens que vous allez transformer une prière, un chant traditionnel, quelque chose de profondément spirituel et sacré, qui aurait plus de deux mille ans, en morceau de musique rock, jazz... Il vous gratifiera d'un regard noir. Jeter le Klezmer dans la sphère rock, c'est un pari osé pour des New Yorkais.
Mais jamais les Klezmatics ne remettent en cause leurs racines. Jamais ce blasphème n'est le fruit d'une sorte de crise d'adolescence, du souhait de tout envoyer balader, les rites et les anciens, et de faire la musique du diable. Ils alternent alors entre klezmer traditionnel, où les clarinettes virevoltent, et arrangements plus modernes. Ils redonnent vite à cette musique de plusieurs siècles. On peut y trouver cette ferveur du gospel, cette joie dans le recueillement, cette extériorisation de la foi. Les prières yiddish deviennent des chants fédérateur, sans oublier la part de mystique derrière cette musique. D'ailleurs, le yiddish donne à cette musique un rythme propre, une teinte particulière. On pourrait dire exotique, mais non. Les mots accompagnent les rythmes déstructurés et suivent les envolées des trompettes et clarinettes.
Il y a dans le klezmer tout ce qu'on appelle "l'humour juif", une profondeur réelle et solennelle à laquelle un recul froid voire cynique se lie. Et puis, il y a cette capacité d'atteindre le beau :
The Klezmatics sort son premier album live en 2005, Brother Moses Smote the Water chez Piranha, et c'est aussi facétieux et profond qu'un Dibbouk.
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