Joanna Newsom, le 23 septembre. Aéronef, Lille.
Quelques instants après que le noir soit fait, des sombres silhouettes fermaient laborieusement les grandes portes, isolant ainsi la salle du reste du monde, comme s'il fallait que cet instant reste à tout jamais intime, qu'aucune oreille parasite ne vienne se nourrir des sons. Comme si de toute façon, il fallait y croire pour le voir. Un cercle de conquis d'avance était là, et Joanna Newsom tissait autour d'eux le cocon parfait pour que tout soit unique.
Joanna Newsom est désarmante de simplicité. Elle s'approche de sa harpe en riant, dans sa robe toute en volutes, prend son temps pour placer son tabouret méticuleusement, s'empêche de rire et enfin, dépose l'immense harpe sur son épaule. Une lente expiration, et elle lance ses doigts sur les cordes. Elle les effleure puis les griffe, les martèle, les caresse. L'enfant qui était sur scène il y a quelques secondes disparait alors. Elle devient cette entité captivante, ni femme ni homme, presque inhumaine. Chaque mot qu'elle lance dessine sur sa tête une image, elle est dans l'outrance, elle détaille chaque mouvement de chaque muscle de son visage, chaque courbe de ses lèvres peintes d'un rouge pâle. Le morceau est terminé. Elle redevient un enfant, tente quelques drôleries. Elle est maladroite et ne peut plus s'empêcher de rire, cette fois. Elle appuie délicatement sa tête contre la harpe et souffle un "woah".
Puis elle redeviendra cette colonne d'air fascinante, puis cet enfant malicieux. Et ainsi de suite, même si elle glisse dans toute cette alchimie des preuves que tout existe vraiment, elle, les musiciens et surtout la musique qui émane de ce tout. Elle ne feint pas le plaisir et se dandine en rythme devant son piano, regardant tour à tour chaque musicien, un large sourire découvrant ses dents.
Après chaque chanson, la même question revient sans arrêt "comment est-ce possible ? je connais ces morceaux par cœur, pourtant ils me surprennent à chaque fois, ils me font frissonner à chaque fois, avec ce même sentiment de découverte de la Beauté pure".
Peu à peu, Joanna Newsom arrive à dessiner dans la salle ce qu'elle veut. Elle prend le pouvoir sur chacun des spectateurs, les amène où elle veut, d'une joie quasi-niaise à un état de profonde mélancolie. Les portes fermées empêchent de s'échapper, mais qui le voudrait ? Finalement, s'il fallait les fermer, c'était juste un moyen de ne pas la montrer à tous. Après, les gens n'y croiraient plus. Joanna Newsom est comme un miracle. C'est un enfant qui devient quelque chose d'autre, d'indéfinissable et capable de remettre en question la gravité, la relativité et toute rationalité, par sa voix et sa musique. C'est la grâce incarnée qui se moque du divin, c'est à un tel point de perfection et d'émotion qu'on aurait presque envie de croire en Dieu. Ressentir cela ne peut être que l'œuvre d'une instance supérieure. Mais non. Elle créé un univers parallèle avec une harpe. On s'y sent comme dans un rêve. Et le pire dans l'histoire, c'est que c'est réel.
Je crois qu'on est d'accord, cette fille a quelque chose de magique et fascinant. D'une enfant espiègle, elle passe en quelques seconde à un espèce de personnage hors du temps au regard d'une tristesse abyssale... J'ai eu pas mal de frissons hier, mais maintenant il faut redescendre. C'est dur!
RépondreSupprimerRah mais j'en peux plus d'attendre: H-19!
RépondreSupprimerSuper CR by the way. :)
(perso, petite remarque sur le blog: je trouve que la police est un peu petite).
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