dimanche 19 septembre 2010

Out of Africa.

On pourrait insister longuement sur la leçon de vie que nous donne cette bande de congolais, on pourrait tomber dans le misérabilisme et décrire les rues sales et sombres de Kinshasa, s'attarder avec lourdeur sur l'Afrique et ses tourments. On pourrait essayer de comprendre comment ces gars-là arrivent encore à sourire. Mais derrière tout ça, il y a une véritable question, voire un problème. Est-ce que leur musique m'éclate parce qu'ils remuent ma pitié ? Est-ce que leur musique me colle une bonne humeur indécrottable parce qu'ils sont handicapés et que mon oeil bienveillant d'européen en pleine santé a envie d'être compatissant, histoire de m'acheter une bonne conscience ? Est-ce que Corneille vend des disques parce qu'il est rescapé du génocide Rwandais ? C'est toute la perception de l'Afrique qui est remise en cause.

Oui, le continent fascine. Claire Denis en a montré tous les côtés dans son White Material, voir l'Afrique et mourir, l'Afrique belle à mourir et portée vers l'auto-destruction, mais dont on ne peut pas fuir. C'est un véritable attachement à la terre, un amour profond. "Partir, c'est mourir" comme Michael Lonsdale dit chez Beauvois. Et pourtant, ces mecs du Staff Benda Bilili, ce qu'ils veulent, c'est partir pour ne pas mourir. L'Europe comme un Eldorado, où la richesse coule à flots, où la vie est facile. Le sable est toujours plus ocre chez les autres. Et c'est de là que Rick et son orchestre de vélocipèdes tirent leur force. Roger explique que c'est grâce à sa boîte de lait et à une branche d'arbre qu'il ira conquérir l'Europe. Les autres se contentent de guitares de fortune. Ils répètent dans un zoo, pas loin d'un singe un peu trop agressif. Leur musique est clairement intéressé : ils veulent cartonner en Europe. Ce qui, ici, serait vu comme un manque de sincérité, une volonté commerciale bien vilaine est chez eux un supplément d'âme. Tuer le temps, s'enfuir de la rue, vaincre la polio et l'handicap, le tout avec une bonne humeur communicative, une véritable joie de vivre, du partage du vrai. Alors si en plus, ils peuvent assurer la vie de leur descendance, ils ne vont pas s'en plaindre. Ce serait un beau pied de nez à la fatalité.

Pour répondre à la question, en fait, il faut tout mettre en parallèle. Ce n'est pas cette misère qui fait que l'européen se prend d'attachement. C'est cette condition qui forme, qui force à remuer, la vie continue. Le centre des handicapés brûlent, soit. Et après ? C'est une histoire de foi. Le Staff Benda Bilili a la foi. Et c'est bien supérieur a tout relent de colonialisme et tout sentiment de compassion.
Et puis, plus que toutes considérations trop réfléchies, voir Roger se rouler par terre comme possédé alors que les autres dansent sur leurs bras ou sur des béquilles, ça vaut tous les mots du monde.



De Kinshasa à Cannes, le Staff Benda Bilili a atteint sa mission : conquérir l'Europe. Le film Benda Bilili ! est en salle en ce moment et il faut aller le voir, et le disque Très Très Fort est sorti en 2009 chez Wagram et ça donne envie de se fabriquer une guitare avec rien.

2 commentaires:

  1. Ils sont impressionnants! Surtout live!

    J'avais construit mon petit texte sur eux au départ du mot "AME". Ils ont ce supplément d'âme (soul) qui fait si souvent défaut dans la masse des productions que nous ingurgitons!

    Pour les photos "live" : Staff.

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