Qu'on se le dise, Deerhunter n'est plus ce groupe aventureux prêt à enfiler les boots pour s'engouffrer dans n'importe quelle brèche qui cacherait une grotte où tout résonne. Deerhunter en a fini avec Cryptograms et le mystère fascinant de la folie, où le bruit décalque la peur. Déjà avec Microcastle, on le savait. Sans compter Atlas Sound, où Bradford Cox s'amuse seul. Adieu donc, la fougue de la jeunesse. De là à les enterrer, peut-être pas.
Parce que, finalement, ce tournant qu'est Microcastle, cette entrée dans l'accessible, ce n'est qu'une suite logique, une évolution normale : il faut se dénuder au fur et à mesure et épurer la tempête sonore pour en retrouver que la fibre, le noyau : la mélodie. Bradford Cox ne les cache plus derrière des réverbérations aériennes, il les fait jaillir de sa voix et de sa guitare. Deerhunter n'est donc pas statique pour un sou, bien qu'en concert, c'est de cette passivité qu'émane la puissance. Deerhunter continue la chasse au gibier après avoir taper le gros lot. Alors oui, c'est trop pop pour du Deerhunter, c'est trop facile à écouter, on en sent même les singles directement ("Desire Lines" et ses "oh oh" qu'on pourrait confondre avec du Dandy Warhols...). Mais l'identité Deerhunter reste présente, par la voix de Bradford Cox, sa façon de prononcer les mots, de les écrire et de les chanter.
C'est tout l'inverse de cette pochette d'album : le syndrome de Marfan déforme Bradford, lui fait des mains allongées et cette carcasse dégingandée. La petite dame atrophiée, elle, implore le ciel. Bradford lui, vit avec sa difformité et ne s'appesantit sur rien, il continue son bonhomme de chemin, d'un pas décidé, passant où il le veut et en laissant à chaque fois la même trace. Celle d'un grand musicien toujours inspiré laissant sur sa route des merveilles ("He would have laughed", l'ultime titre). Sa musique autrefois difforme, elle aussi, se modèle peu à peu, prend des proportions humaines, voire trop humaines.
Cette année, l'album de Deerhunter sera trop pop, il s'appellera Halcyon Digest et sortira chez 4AD. Et si le groupe a rejoint le sentier le plus facile, il n'est pas le plus court, et derrière chaque pépite trop pop de ce nouveau disque se cache la force de Bradford Cox : savoir construire un édifice indestructible aux premiers abords, mais donner la notice pour le démanteler et en percevoir toute la fragilité.
Pas encore rentré dedans mais la critique est géniale. Thks buddy.
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