samedi 15 janvier 2011

Broken Flowers.

Où est la motivation de ces boulimiques ? Phil Elverum n'arrête jamais d'écrire des chansons, de les partager, d'en dessiner les contours et le contenant. John Vanderslice sort, cette année encore, un très bon album de pop. Sans parler de Bradford Cox, qui a sorti en tout six disques en moins de deux ans, sans compter les EPs. Et ainsi de suite. C'est une question de rythme, ces gens-là font une œuvre par an. Ou plus. Et que dire de Dan Bejar, bourreau de travail, membre des New Pornographers, de Swan Lake, et de son propre groupe, Destroyer.

On pourrait broder autour de la passion de la musique, qui les pousse à vider tous les filons, à épuiser chaque possibilité pour la musique. Des quantités de morceaux naitraient alors pour l'Art, pour la postérité. On pourrait aussi dire que ces génies ne savent pas faire autre chose, alors ils se contentent de le faire. Certes. Mais toutes ces explications de simples équations. Le facteur humain est absent.

Et si, le moteur principal de la création, c'était l'ennui ? Il y a dans la voix de Dan Bejar un profond ennui, une manière désinvolte de lâcher les mots, des phrases pleines de cigarettes, un peu dépressives, mais pas trop. Comme s'il savait très bien que sa musique ne servait en soi à rien. Kaputt est un hymne à la vacuité. "Salut, je m'appelle Dan Bejar, je fais de la musique parce que je m'ennuie". Et on l'imagine parfaitement, assis dans son studio, dans sa chambre ou qu'importe, un clavier ou une guitare sur les genoux, le regard dans le vide et dans ses pensées il y aurait quelque chose comme ça :
"Et si je racontais ce qu'il se passe dans le quartier d'à côté ? A Chinatown ? Ouais pas bête. Il faudrait un petit peu de saxophone, une petite voix de fille, et un refrain genre imparable. Ouais, bonne idée".

Dix minutes ou dix jours après, voilà la chanson. Et ainsi de suite. "Et pourquoi pas un long morceau sur la Baie des Cochons ? Ouais ! Et de la trompette un peu partout ? Yes ! Du synthé aussi, j'en ai pas encore mis ! Quelques petites boucles électro, pour rire ! Enfin pas trop, je voudrais pas foutre en l'air le super son seventies/eighties que j'ai sur ces morceaux, sec et glissant comme un sol gelé... Bon faut pas que je traîne j'ai un rendez-vous chez le coiffeur".
Et l'air de rien, Bejar balance neuf morceaux, basés sur rien, tranquilles et profondément humains. Et sacrément beaux et alambiqués, pas si éloigné de ça d'un Sufjan Stevens cru 2010, avec beaucoup trop d'instruments et de voix. Juste moins de clinquant, au profit de la discrétion.

Cette année, Dan Bejar, sous le nom de Destroyer, sort un Kaputt chez Merge Records ; une célébration de l'ennui.

2 commentaires:

  1. Je suis d'accord avec toi, sauf que cette célébration de l'ennui a été contagieuse de mon côté... Et je trouve pas du tout que ça ressemble à Sufjan Stevens, moins clinquant comme tu dis, mais du coup y'a plus grand chose en commun ! Marrant comme on peut dire une chose et son contraire avec plus ou moins les même arguments: http://tascapotosina.blogspot.com/2011/01/destroyer-kaputt.html

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  2. Très chouette chronique!
    Tu devais vachement t'ennuyer.
    :-)

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