jeudi 24 mars 2011

I Forgot More Than You'll Ever Know.

Blonde on Blonde a été fait dans l'urgence la plus totale. Donc dans le désordre. Bob Dylan ne répétait quasiment jamais, il était l'adepte de la spontanéité des premières prises. Al Kooper, guitariste, raconte qu'il ne savait pas jouer de l'orgue, et pourtant c'est lui, un quart de temps trop tard sur chaque accord de "Like a Rolling Stone", qui écrase les accords sur l'orgue du studio. Dylan ne laissait pas ses musiciens, les honorables membres du Band, travailler. Il voulait conserver le hasard comme un paramètre principal. C'est ce qui fait de "One of Us Must Know" un chef d'oeuvre, parce que les contre-chants de piano sont d'une immédiateté frappante. Et le génie de Blonde on Blonde est, plus que dans les textes frôlant la perfection et les chansons frisant l'éternité, dans cette spontanéité. Blonde on Blonde a été enregistré en janvier 1966. Écouter ce disque, c'est écouter janvier 66.

Mais dans cette histoire, forcément, il y eut des erreurs. Rappelons l'état de Dylan, carburant aux amphétamines et autres drogues, sans arrêt. A force de vouloir saisir l'instant, Dylan a laissé passer une de ses plus grandes chansons, reléguée au rang de bootleg comme le fut "I'm not there", même pas sur les Basement Tapes. Simplement parce que The Band s'est planté, juste avant le dernier couplet, "She's Your Lover Now" restera une inconnue. Jamais terminée, juste avec un "woh" de Bob, à la fin.

Alors que cette chanson, c'est tout l'art de Dylan résumé. Une fougue digne de "Like a Rolling Stone", une chanson d'amour triste, toujours, et l'éternel conclusion de Dylan. Elle n'est plus mienne, mais prends en soin. Comme les idylles de Dylan, cette chanson ne fut jamais terminée. Seule une version complète existe, où Dylan est seul au piano. L'atmosphère y est alors radicalement différent. Comme toutes les chansons de Blonde on Blonde, c'est là que la magie opère, que les mots deviennent des vérités. C'est pour ça que les concerts de 1966 sont les plus belles choses jamais enregistrées : ils incarnent le sommet de sincérité de Dylan, qui se livre totalement nu à la foule, avec en toile de fond, comme toujours, Joan Baez.


Now you stand here sayin’ you forgive and forget. Honey, what can I say?

4 commentaires:

  1. La version tronquée avec le Band figure sur les Bootlegs series 1-3. La version piano elle, n'est jamais sortie officiellement.

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  2. Je me demande qui, depuis qu'internet existe, a attendu que Columbia sorte les bootlegs et autres de Dylan...

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  3. Tss tss tss, les bootlegs 1-3 sont sortis en 1991, et à cette époque là, internet n'est-ce pas...

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  4. J'avais deux ans en 1991, alors Bob Dylan n'est-ce pas... :)

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