mardi 29 mars 2011

The Life of the World to Come.

Si un jour quelqu'un avait dû tirer les cartes à John Darnielle, difficile de dire ce qu'il aurait vu. D'infirmer en hôpital psychiatrique à mythe du lo-fi, il y a de nombreux pas, franchis aisément par Darnielle et sa guitare, à coup de cassettes, de plusieurs albums par an, et d'une sincérité à toute épreuve. Si on avait dû lire l'avenir de John Darnielle, on aurait pu simplement y entendre un de ses vers dans "The Best Ever Death Metal Band in Denton" :

When you punish a person for dreaming his dream,
Don't expect him to thank or forgive you.

Autrement dit, il n'aurait servi à rien d'essayer d'orienter John Darnielle. Son destin était gravé dans ses mains, elles-mêmes greffées à sa guitare. Son destin, ce serait de raconter des histoires, raconter l'histoire des gens, inventer des histoires. On aurait pu lire sur sa paume que sa musique serait d'abord frustre, sèche mais toujours chaleureuse, et qu'elle se couvrirait peu à peu d'arrangements, que ses habits seraient de meilleure qualité. On aurait pu sans aucun doute voir en avance son ascension. Et s'en inquiéter. S'il touchait la grâce il y a deux ans avec The Life Of The World To Come, son nouvel album, All Eternal Decks sonne étrange aux oreilles habituées. Comme s'il y avait une cicatrice sur sa ligne d'artiste. Pas vraiment une rupture, juste un faux pas. Et encore, difficile à dire. Les nouvelles sonorités variétés, les chansons oubliables, tout ça, comme si Darnielle avait perdu possession de son destin, et s'était laissé porté par autre chose que le hasard de la chanson.

All Eternal Decks est sur la frontière entre le bon disque et l'énorme déception. John Darnielle est sur courant alternatif, il enchaîne merveilles habituelles avec chansonnettes dispensables. Il émeut à pleurer armé simplement de sa guitare, et rompt complètement l'état de grâce avec quelques chœurs et cordes mal placées. Où es-tu allé, John Darnielle ? Où est "Color In Your Cheeks", une des plus belles chansons jamais écrites ? Pourquoi t'éloignes-tu ainsi de la sincérité débordante et dévorante de d'habitude ? Pourquoi caches-tu tes chansons derrière tous ces enrobages qui entravent tes élans de bonté ? As-tu oublié que ce qui compte, ce sont tes mots et ta manière de nous les susurrer ?

All Eternal Decks se veut l'histoire d'un couple qui sort de chez la voyante, avec de mauvaises nouvelles. Un couple qui se persuade que ces prévisions n'annoncent que du bon, alors que c'est sinistre. John Darnielle, toujours sous le nom de The Mountain Goats, sort All Eternal Decks aujourd'hui même, sur Merge Records. Et comme son couple, on va se persuader que tout va pour le mieux, jusqu'au prochain album.

3 commentaires:

  1. Oui j'ai plus ou moins le même sentiment que toi. Même si toi t'es sans doute plus fan de sa période lo-fi, moi j'adore The Sunset Tree. M'enfin ça reste John Darnielle, il suffit qu'il chante pour qu'une chanson ne soit pas ratée.

    Et la meilleure chanson des Mountain Goats c'est "Hast Thou Considered the Tetrapod".

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  2. Ah mince... Les autres retours (US surtout) ont l'air très positifs, j'espère ne pas être déçu. Surtout que j'attends de l'avoir entre les mains pour l'écouter (et que la sortie chez nous a été repoussée à la semaine prochaine...).

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  3. Oui j'ai lu les bons retours. Mais je ne peux cacher que mon enthousiasme enfantin avant de le lancer s'est vu d'abord comblé (premier morceau fantastique) avant de fondre peu à peu. Vraiment un disque en courant alternatif. :)

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