mercredi 10 août 2011

Les Enfants Terribles.

Dans le sombre et petit cosmos du net, on a assimilé The War On Drugs au génial Kurt Vile. Il y était le guitariste. On l'imaginait comme Roger Waters, l'architecte du son, le compositeur, celui qui fabriquait de ses mains nues les cosses dans lesquelles viendrait s'allonger la voix d'Adam Granduciel. La langueur doucement psychédélique des War On Drugs, c'était l’œuvre de Vile. "Arms Like Boulders" était le tube en puissance de Kurt Vile avant qu'il ne se lasse et s'en aille, les cheveux toujours aussi gras, se confronter à son avenir. Kurt Vile se serait défait de l'étiquette War On Drugs tout en profitant de la légitimité du groupe. Un halo de fumée comme auréole, et Kurt Vile est le nouveau flambeau de la musique américaine dans toute sa splendeur, entre folk, rock et alternative, quelque part entre un Bob Dylan et un Stephen Malkmus.

Dans ce magnifique parcours, on oublierait Adam Granduciel. Il n'est pas le catalyseur, la voix par laquelle le talent de Vile nous est arrivée aux oreilles. Il aurait été trop facile d'enterrer The War On Drugs une fois Kurt Vile parti vers de nouveaux horizons. The War On Drugs ne reposait même pas sur un équilibre entre les deux membres. The War On Drugs, c'est l’œuvre de Granduciel, son joyau, c'est la came qu'il a faite pousser lui-même sur son balcon de Philadelphie. La ville de la fraternité, comme par hasard. Kurt Vile le dit, The War On Drugs, c'est le groupe d'Adam, son meilleur pote. Adam a joué un peu pour Kurt, alors Kurt lui a retourné la faveur. Un album sort, et nous voilà à notre confusion initiale. Rien de ce que vous entendez dans Wagonwheel Blues n'est dû à Kurt Vile. Il faut se rendre à l'évidence, on est face à deux enfants terribles du rock indépendant US. Ce ne sont pas les frères Gallagher, non, ils ne se battent pas, ils s'aiguillent. Et ainsi, Vile et Granduciel ont trouvé la fibre, le son, l'atmosphère qui rafraichiraient l'indé à grand coup de volutes de fumée, de voile devant les mots et d'envolées acides.

Alors on se retrouve, comme ça, devant le dernier album d'Adam Granduciel. Sans Kurt Vile, mais avec cette langueur charnelle, cette force retenue. On se retrouve à écouter la suite logique de Wagonwheel Blues, on se retrouve à entendre exactement ce qu'on attendait de The War On Drugs. La fougue a laissé sa place à une fausse lassitude.

The War On Drugs sort Slave Ambient chez Secretly Canadian, cette année. Pas d'émois comme "Arms Like Boulders", mais une évidence : il faudra compter avec Adam Granduciel, maintenant.


1 commentaire:

  1. Oui, c'est au point où je me demande s'il y a encore un sens à encore citer Kurt Vile. Il est parti et a fait un album qui est un sommet dans son genre. Et qui n'a rien à voir avec la musique de War On Drugs. Cet album est effectivement cohérent dans la durée et très, très bon. Je mettrai certainement un peu plus que 7 (mais,bon généralement, je suis plus généreux que toi!).

    Ils nous ont fait tout ça sans passer par la case "bataille médiatique". C'est fort bien. On n'est pas toujours obligé de se taper sur la gueule dans la vie.

    Ceci dit, je me demande si ce n'est pas révélateur également d'une réalité nouvelle chez ces jeunes musiciens. Biberonnés à plusieurs styles musicaux, les ayant bien assimilés et capables de les développer avec talent technique. Et dont les méchantes langues diront que ce serait bien mieux qu'ils n'aient qu'un style, mais que ce soit tout simplement le leur...

    RépondreSupprimer