mardi 20 septembre 2011

Oedipe Roi.


Quelques siècles avant l'an zéro, Delphes trônait au milieu de la Grèce Antique. Comme chaque cité grecque, Delphes est entourée de mythologie. Elle serait la ville d'Apollon, lieu symbolique et centre névralgique qui abrite la Pythie, cette jeune vierge en équilibre sur un piédestal, juste au-dessus d'une fissure magique d'où émane des vapeurs toxiques. Cette jeune inculte transmet la parole des Dieux. On la consulte souvent, pour tenter d'apprendre sur le futur, pour entendre des conseils et se rassurer. La Pythie est une de ces oracles, de ces fantasmes magiques dotés de dons et du venin de la vérité. Ce n'est pourtant qu'une jeune demoiselle que quelques pontes religieux maltraitent et utilisent, mais elle est nécessaire. Son importance vient du flou de ses discours, de l'impossibilité de la voir, du mystère qui l'entoure. Une petite voix aussi terrifiante que cristalline qui annonce de tristes nouvelles dans des volutes de fumée. La visite à la Pythie est codifiée comme un rite, et quoiqu'elle annonce, les grecs s'y accoutument et font avec, parce qu'elle a des forces magiques. Et tout est là.

Mais si on y regarde de plus près, la Pythie est une belle arnaque. Un peu de poudre aux yeux. On met une jeune idiote derrière un voile, on la drogue un peu avec quelques fumées hallucinogènes et ses messages seront assez flous et fous pour que tout le monde puisse y trouver son compte. L'émotion de se retrouver face à la Pythie vient de la mythologie qu'on lui a construit, de son aura. Même si son message ne tient pas debout, s'il est totalement arbitraire et ridicule, il est plausible et fort. Parce que c'est la Pythie.

Plaid est comme la Pythie, il est au centre du temple Warp, entouré de buée et de fumée noire. Disparu, revenu, Plaid scintille à nouveau après une longue absence de huit années. Sa voix est toujours la même : l'envoûtement. Charmeurs de serpents, Andy Turner et Ed Handley utilise toujours ces voix féminines en écho des tourbillons de sons synthétiques. Ils ont toujours recours aux mêmes artifices et aux mêmes mélodies trop faciles. Plaid la joue toujours dans la catégorie "IDM world music", où le dancefloor mental s'exile en Safari dans des contrées éthérées comme terreuses. Huit ans pour un simple nouvel album de Plaid, sans nouvelle voie à explorer, sans nouveaux décrochages jubilatoires qui font avancer la musique électronique. 

Mais ce serait oublier la part de mythologie. Plaid, c'est une sensibilité différente, une autre façon de ressentir la mélodie et la dissonance, une autre perception de la vérité. Comme chez la Pythie, on se refuge dans Plaid parce que l'on sait que le message sera à la fois totalement abstrait et profondément compréhensible. On sait qu'on ne s'y perdra pas, qu'on y trouvera ce qu'on attend, des voix aériennes, des beats techno, de la basse qui s'envole et des forêts de sons aussi lumineuses que violentes. Disséquer la musique de Plaid revient à remettre en cause les mythologies, revient à tout expliquer par la rationalité. Et face à l'émotion de Scintilli, qui vient autant de la musique elle-même que des retrouvailles avec un de ses fétiches, on ne peut que rejeter tout raisonnement rationnel. La vérité est ailleurs. Même si cette émotion n'est que poudre aux yeux, elle fait trembler les mains comme déjà sur Not For Threes avec des titres comme "Rakimou".

Plaid sort son Scintilli chez Warp, pour redonner foi en l'émotion électronique, pour croire et contempler le magique à nouveau.

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