jeudi 21 janvier 2010

Scatterbrain.

J'ai un souvenir ému de Four Tet, parce que ma première véritable approche fut en concert, en festival, entre deux heures et quatre heures du matin, après une très courte nuit. L'état de fatigue extrême était recherché, comme pour pouvoir "partir plus loin".
C'est un peu le principe, l'abandon total des repères, l'abolition du sur-moi, laisser les synapses se mouvoir en rythme. Je n'ai plus aucun souvenir du concert, à part une sensation. Ca veut dire que c'était bien.
N'empêche qu'ensuite, en se penchant sur ses disques, ça a été rapide à comprendre pourquoi tout ça.

Dialogue (1999)

La question principale reste : comment un mec derrière son ordinateur peut arriver à cette conséquence sur des êtres dotés de raison et d'inhibition. La première partie de la réponse se trouve dans l'essence même de la musique de Kieran Hebden (c'est son vrai nom). C'est ce qu'on pourrait appeler de l'electronica. C'est composé de samples, de boucles d'instruments, et notamment de la guitare, de beats simples qui se superposent peu à peu. Un effet boule de neige, une piste lance une autre piste pour, à la fin, donner naissance à des moments d'extrême beauté, de dénuement complet à la manière de Boards of Canada ou Jon Hopkins dont on a déjà parlé ici. Le premier album, donc, comme une première étape.

Pause (2001)

C'est mon préféré. Il est d'une cohérence impressionnante. A l'electronica éthérée se mêle des fragments IDM, des doux petits bruits directement faits pour perforer les méninges entre deux mesures d'un groove colossal.
Un disque à écouter en pleine nuit, à haut volume. Effet multiplié si c'est dans une ville avec de la lumière artificielle qui éblouit. De cette manière, la vision devient floue et tout ce qu'il y a autour disparaît. Chaque voiture devient un danger, mais faut défier le destin parfois. Il y a déjà dans Pause ce qu'on peut appeler "le son Four Tet", très doux, bien loin de beaucoup d'electronica agressive et "boum boum". Attention, les beats à toute vitesse qui déglingue le cervelet du breakcore, c'est du bonheur, mais pour une autre utilisation, la lobotomie.

Rounds (2003)

Rounds doit être son album le plus connu. Celui que tout le monde cite. D'une grande beauté, ce disque est en fait une montagne. Une longue montée pour préparer à "As Serious As Your Life", le sommet ultra groovy qui te forcera à te lever et à danser de gauche à droite, avant une descente saturée en acides. Tout ça se finira sur quelques notes lancinantes noyées dans un bruit numérique de toute beauté. A chaque album, on voit comme il se rapproche de l'IDM, et notamment avec l'utilisation de la batterie, beaucoup plus fine, un coup à droite, un coup à gauche, un silence, et ça reprend, doucement... avec des montées ensuite. Tout un travail pour déstructurer ces nappes.

Everything Ecstatic (2005)

"Extatique", le terme est bien approprié. De l'extase, il en faut. Les influences sont nombreuses, jazz, hip-hop, folk, post-rock, pour créer une electronica extatique, qui prend forme doucement, et embarque. Four Tet se conçoit réellement en pallier. Chaque morceau est un étage de plus vers un état nouveau. C'est tout ce qu'il faut retenir en somme. Et se laisser porter. Cette musique est aussi fascinante que la musique classique. Parce que sa conception est complexe, qu'elle ne se comprend pas aux premiers abords. Au départ, ce n'est que du ressenti. Ensuite, c'est de la fascination. Le futur est là, dans cette musique qui n'a plus aucune limite. L'electronica est la musique classique de demain.

There Is Love In You (2010)

L'air de rien, ça fait cinq ans qu'il avait rien sorti seul. Il y avait quelques EPs, quelques reprises (Radiohead ou Kings of Convenience), l'incursion dubstep avec Burial et, en 2009, un EP qui annonait ce disque, avec le titre "Love Cry" dessus. 10 minutes assez simples avec voix et nappes qui se superposent sur un beat effréné. L'album sort bientôt. Il a filtré. Et c'est conforme à ce qu'on pouvait attendre. Des titres toujours aussi beau, des parties bien plus groovy. La vraie nouveauté, c'est les voix. Le reste est inchangé, toujours le même son, des passages à faire rougir Sigur Ros. Vivement une nouveau passage en France, histoire de refaire les bagages pour une nouvelle destination.

1 commentaire:

  1. Trop bien! Trop bien! Trop bien! Trop bien!
    (je me suis permis de changer le lien de ton leak, il était mort).

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