On ne le répétera jamais assez, mais Bradford Cox est grand. Et pas que par la taille. Son passage chez Pitchfork pour jouer dans la catégorie Cemetery Gates le prouve (si ça restait à prouver) encore. Et forcément, s'appeler Deerhunter, c'est une référence directe au chef-d'oeuvre de Michael Cimino, The Deer Hunter (traduit n'importe comment en français : Voyage au bout de l'enfer, comme un clin d'œil raté à Céline). The Deer Hunter, c'est Christopher Walken et Robert de Niro, hantés par le Vietnam. Hantés par la guerre et son horreur. (C'est aussi le meilleur film sur le Vietnam). Alors qu'ils auraient préféré chasser le chevreuil. (Celui qu'on voit sur la pochette, entouré d'un halo psychédélique de lumière, comme si les deux acteurs avaient abusé du LSD avant la chasse).
Et le génie, dans le film de Cimino, ce n'est pas de savoir filmer la guerre, mais d'en montrer l'avant et l'après. L'avant, une scène de bal gigantesque digne de Visconti, l'après, l'horreur et la folie. Une aliénation totale du monde pour Walken, une volonté de revenir à la vie réelle qui se transforme en échec pour De Niro. Comment passer d'une vie normale, faite de chasse au chevreuil et de mariage, d'alcool et de femmes pour en arriver à un statut si misérable ? La guerre. A la manière d'un The Wall, Cryptograms pourrait être un disque qui montre le mécanisme de l'aliénation, de la déconnexion qui peut s'opérer entre l'esprit et le réel. Comment Christopher Walken peut arriver à jouer sa vie chaque soir à la roulette russe. C'est absurde, dément, fou. Cimino met tellement de tension dans ces scènes, tellement d'incertitudes. Il est impossible de savoir ce qu'il se passera. De savoir si l'arme tirera ou non. Si la mort frappera ou le semblant de vie persistera. Ce disque régénère cette tension, elle donne un son aux silences terrifiants du film. Il incarne ce qui doit être les sentiments, les idées qui passent par la tête de Christopher Walken avant d'appuyer sur la gâchette. C'est la force du hasard. La providence ? Le destin ? Un destin forcément tragique. Soit il condamne à la mort par explosion, soit il punit d'une folie intérieure et masquée. Qu'importe l'issue, Deerhunter en a fait la bande son.
En 2007, Deerhunter frappe fort avec Cryptograms, sur le label Kranky. Et c'est beau comme le Vietnam sous la pluie.
Et si ça continue, vous allez croire que je parle de disque seulement pour parler de cinéma.
Même si on croyait que tu ne parles de disque que pour parler cinéma, on ne t'en tiendrait pas rigueur tant ces petits parallèles sont bien trouvés :)
RépondreSupprimerMoi je crois que tu parles de disques que pour parler de cinéma. Mais c'est un style, tu vois :). Et puis c'est cool, même quand c'est capillotracté.
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