Oh puis zut. J'ai déjà évoqué ce disque ici, mais beaucoup trop rapidement. J'en ai déjà fait un long texte, un essai narratif, avec des histoires de plage abandonnée, de regard dans le vide et d'étincelles qui volent, une guitares au pied du lit et des voyages sur les routes américaines. Ce n'est pas suffisant. Il manquait quelque chose à ces essais pour saisir la totalité de cette musique.
Alors je vais retenter, pour la troisième fois.
C'était dans une cave voûtée, la salle était pleine, elle était seule. Jesy Fortino n'est pas bien grande, pas tellement impressionnante. Elle se cache derrière ses cheveux noirs et sa guitare. Elle avait l'air concentrée et surtout, elle ne parlait pas. Peut-être qu'elle esquissait un "merci" avec un doux accent anglais entre les chansons, c'est tout. Il y avait dans cette cave une atmosphère particulière. Personne ne savait comment se comporter. Les personnes présentes attendaient avant d'applaudir, elle semblait ne pas vouloir faire autre chose que jouer, pour éviter de se retrouver comme nue sur le tapis qui faisait office de scène.
C'est de là que vient la force de la musique de Jesy Fortino, qui prend le nom de Tiny Vipers, toujours pour se cacher. Elle est comme perdue entre deux mondes, un monde réel et concret, où les choses vont vite, où l'on évoque pour ne pas dire, et un monde idéal, sans temps, sans artifices, dénudé, cru et pourtant beau. Jesy prend son temps. Elle l'étire, voire le suspend. Si sa musique est sombre, elle est surtout hypnotique. Elle se déploie peu à peu et ensorcèle.
Au fur et à mesure que le concert avançait, les silences qui suivaient les chansons étaient de plus en plus pesants. Il n'était plus nécessaire d'applaudir, de dire à son voisin "eh c'est pas mal" ou d'envoyer un texto aux amis en retard. C'était une grande entente. Le folk de Jesy Fortino rendait le silence aussi beau que sa musique. Il y avait quelque chose de religieux sous ces voûtes. Personne n'osait interrompre ce moment.
A la fin du concert, j'interceptais Jesy, pour lui demander timidement de me signer mon disque. Je crois qu'elle n'a pas répondu. Elle a juste écrit "Thank you very much for coming and listening, Jesy Fortino" dans l'encart, entre les étincelles des photos. Elle a sourit, agrippé son verre de vin, et s'en est allée. Pas besoin de parler, elle avait déjà tout dit avec sa musique, comme si rien ne lui échappait.
Jesy Fortino a sorti Life on Earth sous le nom de Tiny Vipers en 2009, chez Sub Pop, et il vaut mieux l'écouter pour comprendre. Par exemple avec sa Daytrotter Session. Un de mes plus beaux disques de 2009, voire de la décennie.
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