La vie est un miracle.

Le cinéma soviétique a un rythme propre. Derrière le message, il y a toujours un humour voilé, un recul souriant. Ce rythme est la conséquence du muet, bien sûr. Chaque film est porté par sa musique. Chaque expression du visage est importante. Le tout forme un ensemble parfaitement cohérent. Dans Le Bonheur, Alexandre Medvedkine nous raconte des histoires. Un homme, Khmyr, cherche le bonheur, et il le trouve. Mais derrière tout ça, il y a un tragique profond.
Dziga Vertov, dans L'Homme à la Caméra va encore plus loin. Il brouille les pistes. Il filme simplement. Le personnage est la caméra. Tout gravite autour de cette modernité. L'URSS est un beau pays. Les femmes y sont belles et nues, les plages brûlent sous le soleil, les machines ne peuvent s'arrêter.
Ces réalisateurs devaient y croire. Ou se forcer à y croire. Mais il y a dans ces films les deux dimensions de la musique de l'est : une légèreté, un rythme, une gaieté irrépressible et une lourdeur, le poids de l'Histoire sûrement, ou des histoires. Tout est résumé dans l'expression de Khmyr, en somme.

Et pourtant, A Hawk and a Hacksaw sont des américains. Mais ils portent l'étendard des balkans, de la valse et de l'accordéon. Ils ont ces cris de joie qui entame les morceaux, ses chants profonds presque religieux, ses cuivres fiers et cette musique si émotionnelle, si communicative. Jeremy Barnes jouait dans Neutral Milk Hotel. Heather Trost fait du violon aux côtés de Zach Condon de Beirut. Du beau monde, pour relancer la musique de l'est, le Klezmer et le folklore populaire d'un monde qui disparaît, le monde dans lequel vivait Khmyr.
Pas de nostalgie passéiste pour autant. Comme les Klezmatics, A Hawk and a Hacksaw redonne vie au lieu de procéder à un acharnement thérapeutique. C'est la puissance de "la valse musette et de l'accordéon", comme disait Brel. Sauf que Vesoul devient Sarajevo.

Delivrance de A Hawk and a Hacksaw est sorti en 2009 chez Leaf, et redonne vie aux flonflons. Leur Concert à Emporter en atteste.