vendredi 14 mai 2010

L'avventura.

Ça y est, le festival de Cannes est lancé. La plus belle partie de l'année. Surtout en 2010. On va enchaîner Cannes, Roland Garros et la Coupe du Monde. Quoi de mieux ? Bon, et je ne le cacherai pas plus longtemps, le cinéma me fascine, presque plus que la musique. Alors quand les deux se mêlent parfaitement, c'est de la fascination au carré.

Wim Wenders aurait profondément voulu être italien, j'en suis sûr. Son dernier film, The Palermo Shooting est un film en Italie, un hommage au plus grand de tous : Michelangelo Antonioni (il a d'ailleurs tenu la caméra pour le Maître après son accident cérébral, sur Al di là delle nuvole). Bon, Wim s'est fait explosé par la critique à tel point que ce film n'est, à ma connaissance, pas sorti dans les salles françaises. Personne n'en a voulu. Mais tout ça ne devrait pas, jamais, éclipser le chef-d'oeuvre absolu de Wenders.
D'ailleurs, ne le cachons pas, Wim Wenders s'est pris pour Antonioni. Il y a tellement de similitudes. On pourrait citer la scène du concert de Der Himmel Uber Berlin (Les Ailes du Désir en français). C'est exactement la même que celle de Blow-Up, juste que Nick Cave remplace les Yardbirds. Et la prépondérance du désert dans les deux oeuvres. Profesione : Reporter et Zabriskie Point du côté d'Antonioni, pour Don't Come Knocking et Paris, Texas de l'autre. Et c'est loin d'être exhaustif.

Cet amour d'Antonioni fait de Wim Wenders le plus italien des réalisateurs allemands. Et dans son chef-d'oeuvre absolu Paris, Texas (Palme d'Or en 1984, d'ailleurs), on retrouve le thème de la communication, si cher à Antonioni. Chez l'italien, les gens se parlent mais ne se comprennent pas. Chez Wenders, Travis ne parle pas, il se contente de marcher dans le désert, sans savoir où il va. Il ne décoche pas un mot à son propre frère. Pas besoin de parler, les mots ne peuvent pas exprimer son histoire. Travis fuit comme la sublime Monica Vitti. Ils tentent de trouver un "autre chose", ailleurs. Et la musique de Ry Cooder est comme cette musique de la fuite. D'abord désertique, avec des grands coups de slide, puis elle s'habille et emprunte le pas de Travis. On ne peut l'arrêter, on ne peut la stopper, comme un pas mécanique et hypnotique qui donne corps à la beauté du désert.


Mais peu à peu, la langue de Travis se délit, tout comme sa tristesse. Il découvre son fils, il devient père. Et il part à la recherche de la cause de tout : Nastassja Kinski. Avec son fils, à Houston, sous le soleil. Il la retrouve dans un peep-show, vêtue de son pull rose. Il parle, il raconte une histoire devant le miroir sans teint. "I knew these people". Peu à peu, elle comprend. Cette scène dure une éternité et atteint des sommets de beauté et de pureté, d'émotion. En plus de faire lumière sur tout, sur le pourquoi de la fuite de Travis, cette scène porte le film, après la scène du film en super 8, mise en abime d'un temps révolu et idyllique. Une scène belle à mourir comme la dernière rencontre entre Monica Vitti et Alain Delon dans L'Eclisse.
Et Ry Cooder habille tout ça avec finesse. Il enlève à cette noble tristesse l'impression de tragique, de destin. C'est arrivé, ce n'était pas le destin, il est possible de le comprendre, d'en sourire aujourd'hui. Facile de passer outre, de retrouver la femme qu'on a toujours aimé et de lui rendre son enfant, dans une tour de Houston, à quelques centaines de miles de Paris, Texas.

1 commentaire:

  1. Antonioni et Wenders,une certaine filiation, c'est vrai.Notamment dans Le cri.

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