Cela fait une éternité que je n'ai pas écrit sur Mahler, et pas terminé mon projet de parler et partager les dix symphonies. Une marche de plus vers l'accomplissement ce soir, donc.
C'est beau de voir l'Histoire s'écrire sous ses yeux. De sentir qu'on vit quelque chose de grand, un tournant, quelque chose d'unique. Ce soir, par exemple, Wimbledon a vu le match de l'année, et le match le plus long de tous les temps. Plus de dix heures, un cinquième set bloqué à 59-59 en attendant le dénouement demain. Près de 100 aces pour les deux protagonistes, John Isner et Nicolas Mahut. Et l'histoire est implacable. Même dans le sport. Les deux joueurs, cette nuit, referont chaque balle en se disant "il fallait faire cela" ou "pourquoi la ligne n'était pas de mon côté ?".
Chaque seconde est un point de non retour, et finalement, chaque seconde, l'histoire s'écrit. Mahler en est bien conscient, et plus ces secondes terrifiantes passent, plus ils s'approchent de la mort.
Pourtant, il a essayé de fuir la malédiction de la neuvième symphonie, chiffre indépassable pour Beethoven et Bruckner. Mahler disait que c'était sa dixième symphonie, évitant ainsi le mauvais sort. Sa véritable dixième symphonie ne sera jamais achevée. Preuve que l'histoire a toujours le mot de la fin. Dans cette marche vers la mort, Gustav Mahler perd sa fille en 1907. Il voit l'histoire se faire devant lui, et le torturer. La mort, déjà tellement présente dans son œuvre, devient plus que centrale. Il regrette de ne pas pouvoir revenir en arrière, dire adieu, il regrette que le temps soit immuable. Sa fin proche l'effraie, sa maladie aussi. Sa musique en est le plus beau témoignage, elle est tragique au sens grec du terme : c'est le destin qui manipule les êtres. C'est parce que ses parents tentent d'éviter les terribles augures qu'Oedipe les réalise.
Et finalement, cette neuvième symphonie, c'est comme le constat amer de Gustav Mahler. Il a tenté de fuir son destin, d'éviter la mort, d'éviter le chiffre neuf, de contredire les principes même de la symphonie. C'était vain. Il revient à quatre mouvements classiques, comme un aveu de faiblesse face à l'Histoire. Au final, c'est toujours elle qui triomphe.
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