J'ai travaillé sur Polanski toute la journée. J'ai fait des liens sans arrêt entre ce qui lui arrive et sa filmographie. Il y a tellement de similitudes. Polanski c'est l'arroseur arrosé. Il prenait un malin plaisir à séquestrer ses personnages, les angoisser, les tourmenter. Maintenant, voilà qu'il est enfermé dans un chalet. Adam Lang, dans The Ghost Writer s'enferme dans sa villa high-tech, une meute de journalistes à la porte. Polanski a troqué la villa pour un chalet. Le reste est immuable. Dans le film, Ewan McGregor est épié et sans arrêt en danger. Polanski a un bracelet électronique pour le surveiller. C'est assez amusant ce clin d'œil du destin. Polanski se retrouve comme son Pianiste : enfermé sans pouvoir créer. Adrien Brody mimait au-dessus du piano une nocturne de Chopin, Polanski doit réécrire des scénarii en boucle.
Et ce qui est intéressant, c'est la façon dont Roman Polanski amène ça, à chaque fois. De la manière la plus insidieuse, il emmène ses films aux airs de polar, de thriller ou de film d'horreur vers des sphères bien connus : le complot, la paranoïa et l'enfermement. Comme Dostoïevski qui utilise des intrigues vieilles comme Régine pour balancer une philosophie fascinante, des idées novatrices et des confrontations de points de vue fracassants.
Ou comme Sonic Youth, qui retourne la pop et le rock et leurs formats basiques pour aller vers le progrès. Ils désaccordent leurs guitares, ajoutent des larsens et lancent des riffs hypnotiques. Ils distordent la pop pour en faire des refrains lancinants et oppressants, pour enfermer les auditeurs dans un décor sommaire et bruyant. Le son de ce live de 1987, sourd et compressé, voire complètement illisible comme un bootleg par moment n'est qu'un autre artifice pour que la musique de Sonic Youth prenne toute une dimension. Comme la musique dans Répulsion. C'est une ambiance tendue, à fleur de peau, où chaque note est sur le fil d'un rasoir. C'est une violence adolescente, sombre et intériorisée. Un enfermement aussi mental que physique (y a qu'à entendre "Death Valley '69"). Totalement Polanski, en somme.
Hold That Tiger sort en 1991 sur l'obscure label Goofin', c'est un live de 1987 qui reprend en majeure partie le meilleur album de Sonic Youth, Sister et c'est un peu comme du Faulkner. Un moyen détourné de raconter un viol. Ce qui déplairait pas à Polanski.
PS : Oui, encore du cinéma. Et on m'a fait remarqué il y a quelques semaines que mes articles ressemblent à des épisodes des Simpsons, avec des débuts qui n'ont aucun rapport avec le propos. Ça me plaît comme idée alors je continue.
Ouh ! Ouh ! Il est cool ce live !
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