
Kierkegaard est fasciné par l'angoisse et l'ennui, le doute et le désespoir. Il articule toutes ses pensées autour de ces concepts, il en cherche la source, les conséquences, les compare, les retourne pour en trouver la substance.
Elliott Smith est mort jeune. Il avait ce même regard, à la différence qu'il était empreint d'une tristesse légère. Lui aussi, il fuyait les artifices et les institutions. Il avait la foi. Une foi différente, foi en l'amour (auquel on pourrait mettre une majuscule, le vrai, celui que montre Cassavettes dans A Woman Under Influence par exemple). Et comme une chanson d'amour ne peut être joyeuse, les thèmes chers à Kierkegaard reviennent. Un amour angoissant, qui mène au désespoir. Les chansons d'Elliott Smith sont dans l'immédiateté. Elles sont des comptines amoureuses qui s'immiscent dans les esprits. Elles séduisent, tourmentent et hantent.
Dans Ou Bien... Ou Bien, Kierkegaard distingue "l'esthète" de "l'éthicien". D'un côté, le Don Juan, celui qui séduit, qui vit dans le présent. De l'autre, le raisonné, qui s'échappe vers l'humilité, se fait tout petit et "cultive son jardin".
Dans Either/Or, Elliott Smith réconcilie les deux. Il chante la séduction et l'amour, l'éternité d'un instant, avec une humilité non feinte, incarnée par le voile de sa voix et les instrumentations sommaires. Et finalement, ce mélange rejoint la troisième voie ouverte par Kierkegaard en filigrane : la foi. Qu'importe la forme qu'elle prenne, tant qu'elle se manifeste.
Elliott Smith s'est quand même heurté à une impasse, mais son Either/Or de 1997, chez Kill Rock Stars emmène la chanson d'amour vers la noblesse de la philosophie, et surpasse à la fois l'éthique et l'esthétique.
Très chouette texte, même si j'aurais gardé Kierkegaard et La Répétition pour un autre disque :)
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