jeudi 12 août 2010

La possibilité d'une île.

D'une certaine façon, Phil Elverum porte à lui seul le paradoxe de la musique, et de l'art en général. Ses chansons sont émouvantes, bouleversantes, riantes, fascinantes parce qu'elles sont humbles et sincères. Pourtant, partager sa musique, la porter aux oreilles des autres, c'est la preuve d'une certaine prétention. Quelque chose comme "j'estime que ma musique vaut le coup et que vous devriez écouter, voire aimer". Sans parler du fait qu'il la joue en concert dans le monde entier.

Phil Elverum est pourtant modeste comme personne. Il ne ressemble pas à grand chose, avec ses t-shirts de groupes, ses chemises de bucherons par dessus, son inaltérable paire de tongs. Quand on lui demande de signer un disque, il écrit simplement "Phil Elverum" dessus, ou simplement "Phil". Chacun peut avoir son exemplaire dédicacé s'il a un marqueur, donc. Et, à côté de ça, il publie sans arrêt, poésie, musique... Jamais il ne ralentit le rythme. Deux possibilités donc, soit il est vraiment très prétentieux (et on en revient au problème précédent), soit il est généreux. Et tout tourne autour de ce problème. Est-ce que, en proposant des chutes, des morceaux qu'on connait déjà dans des versions légèrement différente, Phil est généreux, ou plutôt imbu de lui-même, comme s'il considérait que tout ce qu'il faisait comme de l'or.

D'un point de vue commercial, la réponse est simple : Phil est généreux. Au lieu de distiller des nouveaux morceaux, il donne tout, tout de suite. 31 titres d'un coup d'un seul. Alors qu'il aurait pu vendre deux disques, plus ou moins organisés. Non, il donne du brut, pour peu, sur son site, sans intermédiaire.
Reste à voir le point de vue artistique, qui est quand même le plus important. Oui, on connait les morceaux, oui, rien de bien nouveau sous le soleil de Mount Eerie. Ballades folks et guitares saturés vont toujours si bien ensemble, la voix est toujours si particulière, les intonations si bouleversantes. Quel intérêt d'en avoir plus ?
C'est là qu'entre en jeu une part d'irrationnel. Rien de nouveau, mais le plaisir est toujours intact. C'est le lot des grands artistes, de savoir provoquer un enthousiasme sans fondement avec des chutes, des titres plus ou moins inédits, et de transformer l'enthousiasme en pur contemplation. Phil Elverum est donc de ceux-là. Il écrit sans arrêt, partage généreusement sans arrêt, chante sans arrêt... Il vit musique, il mange musique, il transpire musique, et tout s'incarne intensément.
Chercher à comprendre est inutile. Phil reste Phil, et sa musique reste fascinante, chutes ou pas, inédits ou pas.

En octobre, Phil Elverum sortira Song Islands, vol. 2, sur son label P.W Elverum & Sun, la part immergée d'une île déjà magnifique.

5 commentaires:

  1. Complètement en phase avec toi. Il est de toute façon globalement difficile à cerner. Il le sort bien sous le nom de Mount Eerie en revanche non ?

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  2. Oui, ce sont que des morceaux de Mount Eerie, rien de la période Microphones.

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  3. ça fait un peu penser aux "archievs" publiées par neil young ou par dylan,
    des mecs qui produisent énormément et dans des directions différentes,
    pour elverum on a du mal à parler de "best of" hein ^^

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  4. le morceau instrumental on dirait du Smashing

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  5. Et Get Off The Internet, We Are The World

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