samedi 11 septembre 2010

Oh, Sister.

La première fois que je l'ai vu, c'était sur Canal +. La fille à la frange avait passé cinq minutes a essayé de raisonner Éric et Ramzy, à les prévenir que la personne qui allait arriver était "quelqu'un de très sensible", "un homme pas comme les autres", qu'il ne fallait "pas le brusquer". J'attendais une sorte de freak, un autiste qui compte plus vite que son ombre ou un poète tellement maudit qu'il était prêt à en découdre à chaque vanne ratée de Ramzy.
A la place, une étrange silhouette est arrivée. Quelque chose entre l'Edward de Burton et Peter Lorre dans M. Des cheveux longs et noirs, le visage pâle et un gabarit étonnant. Il avait sourit, s'était assis lentement au piano et avait chanté.



Cette chanson avait fait taire les deux guignols. L'ambiguïté des mots était frappante. Une sorte d'amour vrai, profondément réel, pour une sœur. Quelque chose de presque incestueux. On apprendra plus tard qu'elle est dédiée à Boy George. Homosexualité assumée sans être revendiquée, chanson d'amour miraculeuse, le plus beau des hommages.
Antony Hegarty incarne l'ambiguïté. Plus que Bowie ou Brian Molko, il est entre les deux genres. Il est un homme avec une voix métissée. Les sons qui s'échappent de sa bouche ne sont ni masculins ni féminins. On pourrait dire divins, mais ce serait entrer dans une mystique qu'il refuserait avec un sourire humble. Il se contente de chanter et de jouer du piano. Et de se mettre à nu avec délicatesse, dans des chansons à fleur de peau, "très sensibles", qui peuvent se briser à chaque seconde. C'est la beauté de la tristesse dans toute sa splendeur qu'il invente, ou la tristesse de la beauté. Les deux sont de toutes façons indissociables.

Alors depuis dix ans maintenant, Antony illumine de sa voix un monde étrange. Tout se ressemble, il n'y a jamais de nouveauté, de nouvelle voie, juste lui, fidèle à lui-même. Et le velours de sa voix sur des mélodies soyeuses suffirait à réanimer le cœur engourdi d'un psychanalyste.

En attendant Swanlights (qui devrait sortir en octobre), on écoutera Thank You For Your Love, sorti chez Rough Trade, un EP où il reprend le "Imagine" de John Lennon sans provoquer l'ennui. Je doute qu'il retrouvera un jour la grâce aérienne d'I am a Bird Now, mais ça reste beau à mourir.

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