mercredi 8 septembre 2010

White Material.

Dans le tourbillon de l'actualité musicale, dans l'amas de la rentrée, entre les nouveaux petits bijoux, les excellentes surprises ou les démonstrations de force et une quantité de disques moyens (Syd Matters, Black Mountain, The Black Angels...), on s'y perd. Trop de chose à écouter, à réécouter, à approfondir (je n'en ai toujours pas fini avec le Arcade Fire, preuve d'une certaine médiocrité : la fascination s'est évaporée), mais rien de flambant neuf depuis quelques jours, rien qui donne envie d'écrire, qui fait jaillir des idées de liens à faire, des idées de réflexions à lancer. Rien, calme plat. Alors pour ne pas perdre la main, pour entretenir l'entreprise, je me remémore mes dernières vacances, sous le soleil de Graceland.

Il faut d'abord que j'avoue quelque chose : impossible de trouver un angle correct pour aborder ce monument. J'ai pensé à tout, The Graduate de Mike Nichols, où l'on trouve la musique de Simon & Garfunkel, une belle parenthèse historique sur l'Afrique du Sud et l'apartheid, un discours sérieux et appliqué pour montrer à quel point ce disque est une révolution dans l'histoire de la musique, un long portrait de Paul Simon, avec une description de son cheminement jusque Graceland, une parabole sur une terre promise et magique, où règne l'abondance et la bonne humeur. Mais, avec tout ça, on ne pourrait même pas saisir l'impact de ce disque sur une vie. Et finalement, ce qui résume le mieux cet impact, c'est l'expérience personnelle ; ce moment devenu éternité grâce à la musique de Paul Simon.

C'était donc il y quelques années, impossible d'être plus précis. Je me souviens juste que, dans cette voiture sur la route des vacances, il y avait un long débat peu argumenté mais très vigoureux sur le choix de la musique. J'étais de ces jeunes qui voulaient de l'énergie. Je demandais sûrement un de ces disques que je venais de découvrir, peut-être les Pixies, peut-être quelque chose de plus honteux. Mais ma position à l'arrière du véhicule enlevait du crédit à mes interventions, et un "de toute façon c'est pas toi qui décide" avait achevé tous mes espoirs. Frustré, j'avais sorti mon iPod et enfoncé mes écouteurs dans les oreilles. A l'avant, c'était Paul Simon qui avait réussi à s'imposer.
Peu à peu, je tombais dans cet état de léthargie que la voiture apporte, quelque part entre la conscience et le sommeil, la station de correspondance entre la lucidité et les rêves. Des batteries devaient tenter d'insuffler un rythme à mes tympans, mais pendant les blancs entre les chansons, il y avait un son africain, puissant et mystique qui m'arrachait à cet état. Quelque chose d'irrésistible qui finalement eût raison de moi. J'ai enlevé mes écouteurs sans même prendre le temps d'éteindre le iPod, et j'ai laissé mon cerveau divaguer sur cette musique qui sentait l'ocre. Il m'est ensuite impossible de décrire le reste. C'était comme un rêve, alors que tout était réel. Un moment d'euphorie insaisissable, malgré les nombreuses tentatives de reconstruction.

Il y a un peu plus d'un mois maintenant, on m'a rappelé l'existence de Graceland, et de ce moment par la même occasion. Depuis, Paul Simon hante mes oreilles à l'aide de sons voudous. C'était en 1986 chez Warner Bros, et c'était comme un coup de foudre.

1 commentaire:

  1. Je partage ta vision exposée dans l'introduction (si ce n'est que "moyen" est encore un terme trop tendre pour le Black Mountain^^). Très bien cet article sinon, d'autant que je l'aime vraiment bien également ce Paul Simon.

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