Comme Harold & Maude de Hal Ashby, The Graduate de Mike Nichols est un symbole d'une Amérique qui s'affranchit de ses codes. C'est assez diffus et subtil, mais le film de Nichols ne fait pas que naître Dustin Hoffman en tant qu'acteur. Non, il est symptomatique de l'évolution des mœurs. Ce pauvre mec s'ennuie comme tout, dans sa banlieue déprimante. Et il trouve Mrs. Robinson, il apprend la vie à ses côtés, une vie charnelle avant tout. Ensuite, il découvre l'amour. Schéma simple, diablement efficace. Mais une fois de plus, le cinéma américain prétend se ranger du bon côté pour en fait dénoncer le mauvais. Au hasard, Frank Capra dans It's a Wonderful Life dresse un portrait d'une noirceur sans nom, avant de taper dans la happy end à pleurer. Breakfast at Tiffany's aussi. Tout n'est qu'ennui et ratage, sans cette dernière scène culte qui ferait presque aimer la pluie torrentielle.
Revenons donc à The Graduate et à Harold & Maude. Derrière ces portraits d'ados paumés, qui finissent attirés par des femmes de plus vieilles à beaucoup plus vieilles qu'eux, il y a la naissance du anti-héros américain. Le looser magnifique, avec son air blasé, un peu désinvolte, un peu maladroit donc sacrément attachant. Le premier sort en 1967, le second en 71. En pleine perte d'illusions due au Vietnam, en plein mouvement hippie, en pleine redécouverte du On The Road de Kerouac. Ces deux films là sont par définition des films générationnels (ce qui veut dire éternels paradoxalement).
Et qui dit film générationnel dit bande son qui va avec. Hal Ashby prend Cat Stevens et son hippie-issime "If You Want to Sing Out, Sing Out", ode à la liberté absolue, incarnée dans le film par Maude, celle qui a tout vu et qui donc peut profiter de ce qu'elle vit. La leçon du film est simple, elle se résume en une chanson, cette chanson. "You can do what you want, the opportunity's on".
Dans The Graduate, Nichols la joue moins cash, avec le cultissime (ici aussi, oui) "Mrs Robinson". Derrière cette chanson, le pardon. Elle a beau être une vilaine succube de l'enfer, on la pardonne parce qu'elle aussi elle s'ennuie. Son mari est un gros beauf, faut qu'elle se distraie. Rien de plus humain. Alors il y a une place pour elle au Paradis. Quand à Dustin Hoffman, lui, il utilise son expérience pour finir avec mademoiselle Robinson, et dépasse l'interdit fixé par Robinson mère. Tout est dans la subversion, la libération sexuelle sur fond de puritanisme. Et pour clôturer le tout, le film se termine sur The Sound of Silence, avec entre deux le somptueux "Scarborough Fair" (qui ressemble étrangement au "Girl from the North Country" de Dylan).
Et Simon & Garfunkel suit un peu l'itinéraire de Dustin Hoffman dans le film. Ils s'affirment peu à peu. D'un "Hey, Schoolgirl" digne des plus beaux one-shot à Bridge Over Troubled Water en passant par de nombreuses séparations et reformations, échecs et succès inattendu, le duo est passé d'un beau couple de garçons coiffeurs qui se trémoussent sur des comptines allantes à un duo mythique avec en son sein un des meilleurs songwriters du siècle (ce que je ne remettrai pas en cause, suffit de prendre Graceland dans la tronche). Jusqu'à devenir un groupe éternel donc générationnel. Ou l'inverse. Et le live à Central Park en 1981, sorti chez Warner Bros n'en est que l'apogée. 500 000 personnes, c'est aussi bien que Martin Luther King.
Alors remercions le film de Mike Nichols qui, je l'ai déjà dit, n'a pas seulement donné naissance à Dustin Hoffman, mais a aussi imposé un peu plus Simon & Garfunkel dans l'histoire américaine. Et sans ça, je doute qu'on les aurait vu à Central Park faire ça :
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