lundi 30 mai 2011

Dancer in the Dark.

Alors que le soleil et la pluie se passent le relai dans un mouvement perpétuel, que les journées s'allongent et qu'on s'apprête à hanter les nuits, deux EPs et deux très bons albums qui, dans la sphère musique électronique, s'imposent aisément.



Rone - So So So (InFiné)


Comme chez Autechre ou Burial, le format EP reste un des meilleurs moyens pour frapper fort et sèchement, en musique électronique, sans se perdre dans des dédales de rythmes et s'enfoncer dans un amas illisible et trop austère. Le EP permet de rester concis, d'aller à l'essentiel. Rone est français, et sa minimale mélange les sphères éthérées d'un Nathan Fake et de Border Community, la force des sets décomplexés d'un Speedy J, et une profonde mélancolie singulière. En trois titres seulement, on passe d'une piste de danse fumante à des climats plus apaisés, qui rappelleraient presque les plus beaux instants d'apesanteur de Jon Hopkins. Et l'air de rien, il est assez rare de se retrouver bouche bée face à la beauté d'un titre dancefloor efficace. Derrière les édifices de beats se cache une sensibilité pas dégueulasse, un amour de la mélodie comme un bijou à tailler. Trois titres qui menacent grandement Burial dans la catégorie EP électronique qui fait chialer.



Venetian Snares - Cubist Reggae (Planet Mu)


Aaron Funk n'a absolument peur de rien. Rien ne l'effraie, il n'a aucune limite. Sa créativité folle ne s'asséchera donc jamais. Après avoir dégommé des centaines de millions de synapses dans des milliers de cerveaux d'aventuriers sonores trop abasourdis pour comprendre ce qui leur arrivait, après avoir transformé Bartok et Mahler en chef d'oeuvre de breakcore, Venetian Snares ralentit la cadence et s'attaque au... reggae. Le reggae, espace propice à la syncope. Ce qui arrivera sans aucun doute à l'écoute de ce petit EP malsain comme tout, où les voix d'outre-tombes se mélangent aux rythmes jamaïcains, aux basses profondes, sans oublier l'aridité des beats chez Aaron Funk, condition sine que none a sa musique, qui doit avant tout, rappelons-le, vous cramer les méninges. Venetian Snares annihile le reggae en le ralentissant, il l'explose pour en saisir tous les côtés, chaque angle de cette musique s'appuiera sur le crâne. Du reggae cubiste, et pourquoi pas. Et pour une fois que Funk ne part pas dans un délire potache et ridicule, qu'il reste sérieux et va jusqu'au bout des choses avec finesse et intelligence, saluons-le.




K-S.H.E - Routes Not Roots (Skylax Records)


Il ne faudrait jamais l'oublier, mais la house est une musique sexuelle. Saccadée, sensuelle, forte, alternant accélérations et ralentissements. La house, c'est la sueur tout le long de la nuit, c'est un mouvement continu et organique. Une musique forte, incitatrice et sans sous-entendu, destinée à se faire rapprocher les corps dans des danses improvisées. La house, c'est corporel. Alors la voir petit à petit devenir intelligente, la voir se faire décharner par les machines, perdre toute sa sensualité organique, ça peut être intéressant, mais on s'éloigne du sujet. Heureusement, Terre Thaemlizt est là pour le rappeler à tout le monde : la house originelle n'est pas morte. L'androgyne croque la pomme du péché à pleine dent, et ses longs titres entrecoupés de dialogues et autres intermèdes ne devraient jamais s'arrêter, tant ils suintent le désir. Une house charnelle, sensuelle, comme une perfusion de dopamine directement dans le cerveau. Impossible de s'en lasser. Chef d'oeuvre.



Robag Wruhme - Thora Vukk (Pampa Records)

On aurait peut-être pu coller Robag Wruhme dans la catégorie de ces producteurs house qui oublient la sensualité au profit d'une musique trop cérébrale. Que dalle. Wruhme remplace la sensualité et la sexualité par un retour béat à l'enfance, à l'innocence. Et c'est beau comme la première fois qu'on voit la mer. C'est romantique et niais, dans le bon sens du terme. Comme si Robag Wruhme s'émerveillait devant tout. Comme s'il avait pour contrainte de rendre le contingent sublime. Et, encore une fois cette année, les machines mouillent les yeux. Piano et voix s'emmêlent, rires d'enfants et langages étranges. Robag Wruhme vous donne la bande son rêvée pour vos vidéos en Super 8. Il vous raconte vos souvenirs comme jamais vous n'aurez osé les imaginer. Il colore d'un ton sépia les photos en noir et blanc, sans jamais oublier la constance danse. Mais une danse nostalgique et pleine d'émotion.

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