vendredi 29 juillet 2011

בובע-מעשה (Bubbemeyses!) part. 3 : Nostalgie et souvenirs.

 Il y a toujours l'idée d'être ensemble et de célébrer, dans le klezmer. Pour le meilleur et pour le pire. Pour le meilleur, on chante des chansons Arum Dem Fayer, autour du feu. (La nuit est spéciale et nous ne sommes pas fatigués, alors que le feu s'éteint, les cieux brillent de plein feu).

On chante la communauté et la fraternité. On l'a déjà dit, malgré de nombreuses différences, les peuples juifs d'Europe partagent ce sentiment de communauté. Ils sont ensemble malgré les discontinuités. Ils sont simplement ensemble, comme s'ils étaient tous des frères (Ale Brider).


Nous sommes tous unis
Qu'on soit peu ou beaucoup
Et nous nous aimons les uns les autres
Comme un marié et son épouse

Nous sommes heureux et joyeux
Nous chantons en tapant du pied
Et nous sommes tous des soeurs
Comme Rachel Ruth et Esther

Là où les exécutions avaient lieu, Lituanie.
Néanmoins, le klezmer, ce n'est pas que de la chanson à boire. C'est aussi un recueillement, des conditions de vie difficile et des chansons d'amour.
En 1943, entre l'URSS et l'Allemagne nazie, des mouvements de résistance se cachent dans les forêts autour de Vilnius. Ils seront tous massacrés dans ce qu'on appelle la Shoah par balle. Il nous reste la Chanson des Partisans, ici par la grande Chava Alberstein. On célèbre le courage et on ne baissera jamais les bras.





C’est pourquoi ne dis jamais que c’est ton dernier chemin
Malgré les cieux de plomb qui cachent le bleu du jour
Car sonnera pour nous l’heure tant attendue
Nos pas feront retentir ce cri : nous sommes là

  Zog Nit Keynmol by LouNathanson

C'était une migration perpétuelle dans ce contexte. Les juifs ont été contraints de fuir continuellement leurs shtetl. Il leur reste des souvenirs, des images d'enfance. On pleure Beltz comme on pleure Vilnius ou Varsovie. On regrette son enfance et ses souvenirs. Jamais le cliché du juif errant, le klezmorim itinérant n'a eu plus de sens. On chante pour garder des attaches avec sa terre natale, pour garder un point d'ancrage avec le lieu d'où l'on a été chassé.

Beltz, my little town! The little house where I spent my
childhood!
The poor little room where I used to laugh with other
children!
Every Shabes I would run to the river bank to play with
other children under a little green tree.
Belz, my little town!
My little town where I had so many fine dreams!




  Belz by LouNathanson 

Dans de telles conditions de vie, entre le travail à l'usine, l'industrialisation, la ségrégation, difficile de vivre la passion. Alors on met des mots sur ses tourments et on les chante, comme un exutoire. On s'aventure même du côté communiste ou anar' (In Ale Gasn) pour essayer de se battre. Mais reste toujours l'amertume. On échangerait sa vie pour être avec l'aimée, on en dormirait par terre. Quitte à vivre dans la misère, autant que ce soit avec elle.

    Di Sapozhkelakh by LouNathanson

On est enchaîné par le travail, loin des oiseaux qui chantent, c'est là où l'on se repose et où l'on mourra. Alors on espère que l'être aimée soit toujours là, à rendre ce funeste endroit un peu moins dur.


Don't look for me where birds sing. 

You will not find me there, my beloved. 

I am a slave where chains ring, 

There is my resting place.

C'est peut-être face à ces difficultés et ces impasses que le masque de l'humour et de l'auto-dérision s'efface. Et le klezmer devient juste solennel et triste, sans perdre sa foi. Même aujourd'hui, alors que le contexte est bien loin, ces chansons ont gardé leur force, à tel point qu'elles sont encore reprises, retravaillées, réarrangées.
En bonus, une des plus belles chansons yiddish, chantée par Lorin Sklamberg des Klezmatics. Lid Fun Titanik.

    Lid Fun Titanik by LouNathanson

Quelques liens utiles pour ceux que ça intéresserait :

Un album où les plus grands chantent les plus grandes chansons : Perl fun Yidishn Lid

Archive de chansons avec traductions et extraits audio :
http://www.zemerl.com//index.shtml
http://savethemusic.com/bin/archives.cgi?q=songs

2 commentaires:

  1. Vraiment intéressante cette série d'articles, merci!

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  2. En parlant de Varsovie, il y a cette belle chanson de Vera Gran http://www.youtube.com/watch?v=blJ_0BdlolA
    Bises z Wroclawiu! :)

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