Et aujourd'hui ? Où on en est de tout ça ? Qu'est-ce qu'est devenue cette culture et cette musique ? Étonnamment, elle n'est pas simplement utilisée pour les mariages ou les bar-mitzvahs. Et l'air de rien, on retrouve des traces de klezmer et de yiddish partout. Que ce soit à Broadway ou en Iran (sic), dans le jazz ou à Albuquerque, New Mexico. Difficile d'expliquer la persistance de cette musique. Peut-être est-ce simplement parce qu'il y a toujours cette idée de mémoire derrière, qu'elle fascine, qu'elle prend à la gorge et qu'on ne s'en défait jamais. Et on la diffuse ensuite. Le klezmer ressemble à une musique de niche, mais si on s'attarde un peu dessus, on voit qu'il est partout, et notamment qu'il a joué un gros rôle dans l'évolution de la musique américaine.
On la connait l'histoire, par cœur. Dès les années 20, et encore plus les deux décennies qui suivent, les juifs d'Europe de l'Est fuient. Ils vont d'abord en France, en Espagne, au Royaume-Uni, avant de partir encore plus loin : États-Unis et Canada. New York est connu pour sa communauté hassidique importante, des shtreimels partout, des juifs orthodoxes, des Woody Allen et ainsi de suite. Beaucoup migrent vers Israël aussi. Dans cette histoire, le yiddish en prend un coup. Les communautés hassidiques aux États-Unis l'assimilent un peu dans l'américain, on le troque au profit de l'hébreu en Israël. La langue est en voie de disparition, mais la culture persiste. Et la culture, elle se chante en yiddish.
Pour résumer l'histoire du yiddish finalement, et de la culture qui va avec, il suffit de regarder Fiddler on the Roof. Issue d'une nouvelle de Shalom Aleichem (considéré comme un des plus grands écrivains yiddish) nommée Tevye et ses filles, la comédie musicale façon Broadway va faire un carton aux États-Unis. Et l'histoire est significative : la lutte entre la tradition que le père, le pauvre laitier Tevye veut préserver, et la modernité que l'on ne peut arrêter. Le yiddish, rappelons-le, s'est construit surtout avec les langues de l'extérieur de la communauté. Et la culture, sans même s'en rendre compte, s'est faite de la même manière, toujours en assimilant l'extérieur, même s'il faudrait préserver la tradition. La survie de cette culture est conditionnée par sa capacité à évoluer avec le temps, la modernité et les nouvelles tendance, que ce soit la révolution bolchévique ou mariage par amour au lieu des arrangements entre famille. L'histoire est belle, le film tiré de la comédie musicale est un classique maintenant. La culture yiddish est devenue une partie de la culture américaine, comme ça, l'air de rien.
A quel point ? Et si je vous disais que Billie Holiday avait chanté en yiddish ? Qu'Eartha Kitt avait chanté "Sholem" ? Même Nina Simone ! Pas que ces grands noms du jazz soient juifs, je ne suis même pas sûr qu'ils aient un quelconque lien avec cette culture. Mais la culture juive se disperse et s'étend en Amérique. Et, sans surprise, le jazz et le klezmer, comme des cousins éloignés, se rejoignent et se mêlent. On l'entend chez Gerswhin, dans "S Wonderful" ou "Funny Face" par exemple. Ce n'est pas flagrant, ce sont des standards de jazz avant tout. Mais il y a une pointe de klezmer dans la mélodie.
Vous pouvez lire ou écoute l'émission de la NPR sur le sujet : http://www.npr.org/templates/story/story.php?storyId=12977990
Et télécharger la compilation en cliquant sur la pochette (uploadé maison, s'il vous plait).
Et aujourd'hui, le klezmer revit grâce à des groupes comme The Klezmatics, qui mettent une touche de rock bien placé dans le klezmer, sans jamais rompre les rites et les traditions. Socalled, lui, fout le bordel en y mettant du hip hop et des samples. On trouve aussi des trucs plus drôles, comme cette reprise de Havah Nagilah par un duo Irano-Chilien, nommé Dia Prometido. Psychédélique et avec de la sitar. Du bonheur.
Il faut aussi parler des géniaux A Hawk and a Hacksaw, qui continue le travail de métissage et de mélange des musiques avec leurs albums. Leur dernier album Cervantine étant un des meilleurs albums de cette année 2011.
"Just look at that parking lot" |
Dans la catégorie des improbables, on a ce sample de Sha! Shtil! par Brodinksi. Ou même cet album au nom explicite, Mazel Tov, Mis Amigos, des standards du klezmer joués version flamenco hispanisant. Et je vous épargne les hérésies de Gevolt, groupe de folk metal israélien. Allez, juste une pour le fun : "Tum Balalaika".
Le yiddish, par la diaspora est à la fois mort vivant et plus resplendissant que jamais. La langue se meurt, la culture fait mieux que survivre, elle évolue et se mélange.
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