Quand on arrive à Montréal par la route, on perd l'esprit. Les routes s'emmêlent dans des ponts qui se superposent, tournent et retournent, s'entortillent autour d'autres routes. Le nombre des possibilités est infini, on se perd dans les sorties. Ce périphérique sans fin est un labyrinthe dont l'issue est, si tout va bien, la ville. Entrer dans Montréal, c'est surpasser le bordel des routes qui s'entremêlent pour arriver dans un autre espace de désordre, la ville elle-même. On remonte Saint-Laurent et l'on traverse China Town, les magasins de fripes plus glauques qu'un épisode de Twin Peaks, où le parquet se décolle, où des abat-jours pendent devant la façade, où des monts de vêtements poussiéreux se mélangent comme les routes du périphériques.
Malgré la construction carrée et nord-américaine, malgré le quadrillage précis et sérieux que font les rues, Montréal est bordélique. Dans le bon sens du terme. C'est un joyeux bazar en perpétuel mouvant, où les centres commerciaux souterrains répondent aux rues animées en été parce qu'elles sont piétonnes. Et ce bordel citadin est profondément fascinant et charme trop facilement. On se retrouve vite amoureux de Montréal. Pas un coup de foudre, mais une évidence. C'est la ville qu'on rêve, celle du mélange. L'anglais et le français, les hipsters aux doudounes sans manches et les gentils faux chav's ; c'est la pop niaise et le cinéma de Xavier Dolan qui se retrouvent face à la grande ville. Montréal est un mélange qui est beau parce qu'il n'est pas homogène. Tout se confronte et il y demeure un équilibre surprenant.
Socalled vient de Montréal. Sa musique est aussi bordélique que sa ville. Elle mélange tout ce que ce DJ-pianiste-MC-accordéoniste-producteur juif-québecois-canadien éclectique aime. Il avait récupéré des vieux vinyls des années 30 pour claquer son Ghettoblaster, glorieux mélange de chants traditionnels Yiddish et de hip hop. Le voilà dans la continuité. Musique totalement indescriptible et assumée, avec des airs de Klezmer recouverts par des voix r'n'b ou soul, des déflagrations de mots sur des couplets hip hop, des interludes simples au piano, et du groove en dose conséquente à chaque fois. Pas de consistance, pas de cohérence, juste du plaisir sans queue ni tête. Si Socalled frise sans hésitation le mauvais goût, il témoigne d'une intention tellement belle qu'on préfère se tortiller comme le périphérique de Montréal, plutôt que de recourir au traditionnel visage fermé pour les voyages en métro.
Se perdre dans la pyjama party de Socalled, avec Sleepover qui sort chez The Freed, revient à se perdre dans Montréal, à s'imprégner de la ville et surtout de son essence : l'attachant désordre. Et c'est un plaisir inestimable.
Mais que vient faire ici Enrico ?
RépondreSupprimer