dimanche 10 juillet 2011

Revolution #9.


Myspace est mort. Adieu les heures à errer de clic en clic vers des artistes plus obscurs et underground les uns que les autres. Mais la mort de myspace n'est que la conséquence logique de l'arrivée de media bien plus adaptés à la musique et à la découverte. Du jeune DJ qui balance son remix sur Soundcloud à l'ambiance coopérative de Cllct, la musique a forgé son media. Et Bandcamp en est la plus belle illustration, site qui court-circuite les maisons de disque et toute l'industrie, Bandcamp c'est du lien direct entre l'artiste (ou son label) et le consommateur, c'est le prix à la demande, c'est comprendre que le mp3 est une limite et proposer du FLAC pour rien du tout. Bandcamp a tout compris, petit tour d'horizon des trouvailles qu'on y fait.



The Incredible Adventures of Getùlio, The Old Gorilla - Getùlio, The Old Gorilla (2011)


Le concept le plus cool possible. Quelque chose que seul internet permet. Un album pensé pour les gorilles, par des gorilles. La base est simple et loin d'être originale : des basses, des beats et des samples, et un peu de clarinette pour inspirer Peter Jackson. Des samples des musiques de là-bas où vivent les gorilles. De la rumba et de l'afrobeat, des sons de films de gorille des années 30. Le résultat n'a rien de surprenant, rien de révolutionnaire. On est juste face à quelqu'un qui va au bout de son concept et de son idée, à tel point que sur les (seulement) quatre euros pour télécharger l'album, deux vont pour Gorilla Fund et deux autres vont pour Gorilla CD, des organisations pour la défense des gorilles, contre la déforestation. Une musique plus rafraichissante que la lourdeur de la jungle, au profit des gorilles, et pourquoi pas ?
http://getuliotheoldgorilla.bandcamp.com/

Eudaimonia - Golden Ghost (2011 - Epiphysis Foundation)

Golden Ghost avait déjà touché la grâce en 2009 avec The Unimaginative Boy, où la voix de Laura Goetz, naïve et enfantine comme celle de Joanna Newsom, mais jamais loin d'une tristesse si profonde qu'elle briserait l'originalité apparente des compositions et des mélodies. Parce que Laura Goetz ne vise rien d'autre qu'une somme philosophique vers l'Eudaimonia, l'accomplissement humain, la floraison d'un être. Une histoire où un chercheur, un "cherché", un professeur et le roi de la mort se croise et s'enlacent. Si eudaimonia signifie "absence de division" en grec, l'album a été assemblé par de trop nombreuses personnes dans de trop nombreux endroits. C'est là que le paradoxe est le plus beau, Laura Goetz raconte une histoire qui va vers la disparition de la division entre les hommes ou ce que vous voulez, et son histoire tient debout grâce à ces différences et ses divisions. Peut-être parce qu'elle arrive à garder la même grâce dans sa musique.
http://heygoldenghost.bandcamp.com/album/eudaimonia


Jamaica Inn - Stanley Brinks  & The Kaniks (2011 - Hype City Records)


C'est l'histoire d'un mode de vie. Des mecs qui font de la musique avec des brics et des brocs, sans se soucier de savoir si ils boufferont avec demain, si ils auront des dates. Tellement déconnectés d'une certaine réalité qu'on appellera leur musique de l'anti-folk. Anti un peu tout, parce qu'elle est anti rien, en fait. Elle raconte juste des histoires, sur trois accords de guitare, de ukulélé ou de banjo, une rythmique aussi basique que de la techno de bas étage. C'était Herman Düne, porte flambeau de l'indie décomplexé français. Puis, André Herman Düne s'est barré, parce que les choses devenaient un peu trop grosses. Son truc à lui, c'est de vendre des CD-R après ses concerts, et d'enregistrer à tour de bras. Il adopte le nom de Stanley Brinks, et sa musique reste la même, immuable folk simpliste, facile mais efficace, qui rappellera John Darnielle ou les Moldy Peaches, et même le grand Lou Barlow. Rien d'étonnant à le voir aujourd'hui balancer son album en écoute gratuite sur bandcamp. Même si pour acheter le disque, faudra mettre 15 euros. Pour ce prix-là, j'achèterai plutôt un disque des Mountain Goats. Où je les garderai pour aller le voir en concert. Alors on se contentera d'écouter ce folk agréable sur Bandcamp. Après tout, c'est fait pour.
http://stanleybrinks.bandcamp.com/album/jamaica-inn


Impaled Peach - s/t (2011)

Internet et Bandcamp, c'est aussi des vous et des moi. Des gens qui font de la musique parce qu'ils s'ennuient, parce que ça tue le temps, parce qu'ils en ont envie. Une musique sans prétention, gratuite, juste là parce qu'elle existe. Et on sait même pas pourquoi elle existe, cette musique. Et souvent, quand on met ensemble ce genre de gens, il y a catalyse et ils s'encouragent à enregistrer encore et encore. Le plus bel exemple que je connaisse reste le forum Elephant 6, où l'on ne se contente pas de ressasser la gloire 90s de Neutral Milk Hotel, on s'y amuse à reprendre le White Album des Beatles dans son intégralité, on fait des compiles de bruit, et des hommages à Elephant 6. Et on partage ce qu'on enregistre. Impaled Peach donc (avec qui j'ai eu la chance d'enregistrer quelques trucs, eh ouais), a été bercé par E6, et notamment Olivia Tremor Control, dans la manière de concevoir le son et la mélodie, sans jamais oublier les bases folk lo-fi chères au label. On se retrouve face à un problème assez étrange : est-ce que j'aime parce que je le "connais" ? Ou parce que c'est bon ? Il faut retourner la question et se demander : et si le groupe que j’exècre le plus enregistrait ça ? Et, comme il est impossible de trouver une réponse correcte et neutre, on se retrouve à réécouter et à apprécier simplement une musique spontanée, bien foutue, et inspirée. Pas besoin de crier au nouveau génie d'internet, on peut en trouver toutes les cinq minutes sur Bandcamp ou d'autres plateformes. Et c'est ce qui est beau dans l'histoire, que chacun puisse devenir le génie déniché à la sueur de son clic sur le net, simplement en proposant modestement ce qu'il fait.
http://impaledpeach.bandcamp.com/album/impaled-peach

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