dimanche 20 juin 2010

Masked and Anonymous.

Le complot fascine. Les illuminatis, les elohims, les franc-maçons et les juifs ressortent chaque année dans un magazine genre l'Express. Le grand complot, la société secrète qui, avec l'aide d'un grand architecte qui serait comme un Dieu, ordonne le monde, fait le cosmos et dirige tout. La marée noire, c'est eux. Xynthia aussi. A côté, savoir si Clotilde Reiss bossait avec les services secrets, c'est comme connaître qui est le traitre au sein de l'équipe de France. Tout ça, pour entretenir une paranoïa, et pour vendre et fasciner, faire du Dan Brown en somme.

La rumeur aussi, fascine. Michael Jackson n'est pas mort. Il est sur une île avec Elvis et Gary Coleman à jouer à la belote. Beaucoup de preuves le montrent. Mais on ne peut les dire, sinon le monde serait au courant que Michael Jackson a été engagé par les elohims pour sauver le monde. Les elohims aiment les chanteurs, oui.
Pourquoi tout ça ? Parce que le drame shakespearien qui se joue en ce moment en Afrique du Sud montre à quel point les rumeurs de complot, et les complots de rumeur font recette. Les médias au centre de toutes les attentions. Être le premier à savoir. Ou plutôt, le premier à raconter. La chasse au scoop ! Naissent alors des articles partout.
Et je me suis dit, en suivant avidement le déroulement de tout ça, que Bob Dylan en aurait fait une magnifique chanson, drôle et sarcastique. Après tout, qui réécrit mieux les articles que lui ?

"It is taken out of the newspapers... Nothing has been changed... except the words"

Et lui aussi, il parle de sport. Enfin, non. D'un boxeur, pas de boxe. Je me demande encore comment on a pu prendre ce pauvre gars pour un chanteur engagé. Il n'y avait rien d'autre pour lui que le folk et Woody Guthrie. Il a fait bonne figure avec un "When The Ship Comes In" pour Luther King, mais derrière tout ça, il y avait sûrement un ultimatum de Joan Baez. Le reste, c'est juste une fuite. Il assassinera le journaliste de Time Magazine pour la peine. Cataloguer Dylan en protest-singer, c'est suivre le complot. Et lui, le complot communiste, il s'en tamponne et il crucifie McCarthy par la même occasion.

"Now Eisenhower, he’s a Russian spy
Lincoln, Jefferson and that Roosevelt guy
To my knowledge there’s just one man
That’s really a true American: George Lincoln Rockwell
I know for a fact he hates Commies cus he picketed the movie Exodus"

Ce qui amuse Dylan, c'est de faire des blagues, hurler et chanter faux, et oublier les paroles avec Joan Baez. Ce qui l'amuse, c'est de raconter qu'il porte son masque de Bob Dylan pour Halloween. Mais finalement, la plus éloquente de toutes ses blagues n'est pas la plus connue. Elle se cache sur ce bootleg. Bob lance quelques accords, s'arrête. Et, l'air rieur, balance un "It's Mary Had a Little Lamb... Is that a protest-song ?". Tout prend sens. Dylan est interprété, pas compris. Il fait ses chansons, sa poésie. Des chansons d'amour, et quand il n'a pas d'idées, il reprend les journaux. Il se moque des complots et des rumeurs. C'est juste un terreau fertile pour son art. Et un moyen de faire rire les gens, et d'être un mec qui fait danser les gens.
Ne disait-il pas "Don't criticize what you can't understand ?" dans "The Times They Are A-Changin' ?"

Dylan est une vaste blague, il le prouve dans ce concert de 1964 au Philharmonic Hall, un soir d'Halloween. Columbia a ressorti ça il y a quelques années, un peu comme le Graal des bootlegs avec le live de 1966 où il balance "I don't believe you, you're a liar, play it fuckin' loud" après un "Judas !" du public. Une vaste blague, mais de loin la plus drôle et la meilleure. Le pire, c'est qu'elle dure.

1 commentaire:

  1. C'est marrant qu'un article si pertinent et documenté n'ai soulevé aucune réaction. Je suis plutôt d'accord pour ma part, même si je pense qu'il s'est sincèrement engagé dans le mouvement des Civils Rights Acts, mais qu'il a été dégouté par cette ambiance rapidement. On ne dit pas à Dylan ce qu'il doit faire bien longtemps.

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