Le temps de la cassette audio est révolu depuis des années, laissant place au tout numérique. Le numérique est, paradoxalement, le meilleur remède à la boulimie. Il est tout aussi facile d'enregistrer mal quelque chose qu'avec un vieux walkman. Voire plus facile, il suffit d'avoir un ordinateur basique. Mais avec cette évolution, le son devient primordial. Un enregistrement pourri sur un ordinateur est le fruit d'une fainéantise et d'un manque de respect pour l'auditeur. Alors qu'une cassette audio est une offrande, une somme de travail non négligeable. Faire une playlist sur cassette comme dans High Fidelity, c'est de la preuve d'amour en marbre. Faire une playlist spotify pour une fille, c'est ringard.
Ce revirement donc, du glorieux DIY au branleur qui ne veut pas prendre le temps de mixer sa musique, a consolidé le mythe autour de Daniel Johnston, tout en l'enfermant dans la catégorie de mec trop lo-fi, voire complétement inaudible. Alors que Daniel Johnston est l'incarnation de la boulimie musicale pas perfectionniste pour un sou, et donc de l'offrande sur cassette. Pas de la flemmardise. Il enregistrait tout. Tout ce qui lui passait par la tête finissait sur bande. Il dessinait aussi. Sa vie pourrait être réécrite avec ses enregistrements sonores. C'est d'ailleurs ce qu'a fait Jeff Feuerzeig dans The Devil and Daniel Johnston.
En plus, Daniel vit une résurrection artistique. Les gens le découvrent ou le redécouvrent, il sort de l'underground et devient de plus en plus mythique. Le Beam Orchestra en est une des raisons, mais l'album est assez décevant. Les chansons de Daniel deviennent trop guimauves. Heureusement que son label a senti le bon coup. Et en profite pour sortir six disques dans un coffret, qui compile toutes les cassettes enregistrées par Danny au début des années 80, dans la cave de ses parents. 131 morceaux pour plus de cinq heures de musique mal enregistrées, mais comme toujours poignantes, cyniques et drôles, avec un recul naïf sur l'amour, la vie, la religion et les Beatles (il y a une reprise de "I Will" fantastique). Comme toute œuvre de boulimique, c'est indigeste mais lumineux. Le son est moins pourri que ce qu'on pourrait imaginer (ou c'est moi qui suis habitué...), mais l'important est dans la force de l'interprétation minimaliste, entre piano, guitare et fausses notes. Un coffret pour fan hardcore, mais aussi un bon moyen de s'attaquer au Daniel Johnston des premières années. Daniel Johnston n'a pas fini de fasciner.
Hazlewood sort donc des heures de Daniel Johnston sous le nom de Story of an Artist, et si ça permet à Danny de s'acheter du coca encore et toujours, ça me va.
Super chronique! Marrant qu'elle ait croisé celle sur MC5. C'est un hasard où tu étais justement en train d'écrire sur Johnston? En tout cas merci pour le lien. Grand moment!
RépondreSupprimerDisons qu'en voyant le gars des MC5, ça m'a fait penser à Danny. Donc j'ai eu envie d'écrire dessus.
RépondreSupprimerJ'avais déjà fait une petite rétrospective sur lui, avec plein de liens derrière les pochettes. ;)
http://brainfeedersandmindfuckers.blogspot.com/2009/10/life-in-vain.html
Super texte ! On ne dit jamais à quel point la frustration de plus pouvoir faire de "cassette" est grande.
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