samedi 17 juillet 2010

The Mask.

On ne sait plus attendre. Dès qu'une information filtre, on se précipite pour chercher plus d'information, et voir si, par hasard, on ne trouve pas déjà le joyau en question. Pourtant, on aurait pu se contenter de "Coquet Coquette" en attendant l'album, un tube de l'été efficace, et en tirer des conséquences, faire de la prospective pour l'album de septembre, comme avec Panda Bear. Mais non, tout va trop vite. Et on se retrouve avec le False Priest d'of Montreal sans vraiment l'avoir désiré. Du désir, pas de l'envie, il faut regarder l'impatience poindre, il faut se poser des questions existentielles, écouter en boucle "Coquet Coquette", il faut se lever le matin en se disant "je veux je veux je veux", quelque chose de presque physique.

Pourtant, l'excitation à l'idée de lancer False Priest demeure intact. Il y a toujours cette légère angoisse du "où vont-ils m'emmener ?" et du "et si c'était vraiment raté ?". Les premières écoutes sont toujours étranges. C'est comme défricher un terrain inconnu. On y reconnait quelques espèces dans la masse, quelques détails, mais l'ensemble s'échappe. Il faut y retourner, continuer le travail de construction d'un cadre, apprivoiser le disque avec le temps et laisser retomber l'ancienne impatience et l'angoisse qui naissait. Comme si on apprenait à se connaitre, en fait. Surtout qu'avec of Montreal, il est fréquent que Kevin Barnes ne se livre pas comme ça, si facilement. Il nous avait complètement perdu dans Skeletal Lamping, même, au point de le trouver indigeste au début, avant d'en saisir la fibre, le concept profond et pourquoi pas le génie. Skeletal Lamping pourrait rester comme un Ziggy Stardust du XXIe siècle.

Pour comprendre Kevin Barnes, il y a plusieurs grilles de lecture qui facilitent le travail. On pourrait lui reprocher de ne jamais sortir du même schéma, c'est-à-dire de cacher sa tourmente derrière de la musique dansante, mais ce serait se voiler la face sur l'évolution profonde et diffuse qui s'opère dans sa musique. Satanic Panic in the Attic ouvrait la voie, sans vraiment admettre ce malaise. La première vraie preuve de la fragilité de Kevin Barnes venait sur Hissing Fauna, Are you the Destroyer ? avec "The Past is a Grotesque Animal", la première fois qu'on découvrait Barnes nu comme un ver, à raconter qu'il tombe amoureux de n'importe quelle fille jolie qui aime Georges Bataille. Plus que ça, c'est la dernière phrase de la chanson qui donne la clef : "None of our secrets are physical now". Barnes est passé de l'autre côté du miroir. Sa musique n'est plus seulement physique, elle n'est plus seulement un moyen de faire danser les filles. Elle s'éloigne peu à peu des artifices des synthétiseurs.
Skeletal Lamping, ensuite, derrière le concept, la suite logique. Parce que le disque dans sa densité, est construit autour d'une seule chanson : "Touched Something's Hollow". En concert, elle illumine d'un coup tous les yeux, arrête les danses frénétiques. Le public se regarde et ne sait plus quoi faire. Le texte est explicite : Why am I so damaged, girl ?/ Why am I such poison, girl ? / I don't know how long I can hold on / If it's gonna be like this forever. C'est un pas de plus vers la transparence total. D'ailleurs, il n'est pas rare de voir Barnes nu sur scène. On s'approche de plus en plus de la fin de tout ça. A côté de Skeletal Lamping, des chutes comme "Feminine Effects" confirme cette impression.

Kevin Barnes présente un long strip-tease, à chaque album, il se dénude un peu plus, sans pour autant perdre la fibre même de sa musique, la pop. Les chansons de False Priest deviennent de plus en plus mélancoliques. Barnes se cache toujours derrière des basses présentes pour assurer le côté dancefloor. Mais c'est la tonalité générale qui, cette fois, décrit le malaise. Les textes sont toujours autour de la dépression et de l'amour déçu, mais il n'y a plus de mise à nu frontale comme on l'entendait sur Skeletal Lamping. C'est le dernier sursaut d'orgueil de Kevin Barnes, avant de se jeter totalement, de tout son corps et d'affronter ses démons. Il ne rend pas encore les armes, il n'oublie pas son amour pour la pop et David Bowie, il veut passer outre tout ça et danser pour oublier, tout en exprimant par les mots ce qu'il ressent. On n'a pas fini de voir Barnes déguisé sur scène, à proposer un chaud guignolesque. Après tout, il y en a bien assez qui geignent, pas besoin d'un de plus. Ou pas tout de suite. On apprendra à attendre, et à désirer cet hypothétique album d'un Kevin Barnes sans artifices.

Le 14 Septembre 2010, of Montreal sortira son False Priest chez Polyvinyl, de manière à nous assurer un automne dansant et à retarder l'inévitable. Pour ceux, comme moi, qui ne veulent pas attendre, il suffit de cliquer sur la pochette. C'est un rip de qualité assez médiocre, en attendant mieux.

1 commentaire:

  1. belle nalyse, moi j'ai pris beaucoup de plaisir à l'écoute de ce disque, ça m'a fait penser au Beck de l'époque de "midnight vultures"

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