samedi 4 septembre 2010

Scared of Girls.

Si la pochette originelle montrait la petite amie d'Aidan Moffat nue, la réédition s'approche et se concentre sur son nombril. Comme L'Origine du Monde de Courbet, Arab Strap se focalise sur l'essentiel, sans complaisance. Montrer ce qui est vraiment, sans l'enluminer, sans l'enlaidir. Arab Strap ne s'ennuie pas avec les artifices et décrypte peu à peu l'anatomie de son chanteur. Ses textes brillants par leur noirceur, il les récite sur des arpèges de guitare, de sa voix ténébreuse. Et pas besoin de plus.

La philophobia, c'est cette peur irrationnelle de l'amour, d'être aimé, d'aimer, de ressentir. Une fuite en avant, toujours repousser les échéances, projeter et visualiser pour renoncer. De tout cela naissent les regrets, la nostalgie, la mélancolie ou toute autre type de déprime que l'on nomme ainsi pour en faire quelque chose d'artistique. Une source d'inspiration plutôt qu'un mal-être. Et convertir l'incapacité en mots, puis en musique. L'éternel cycle de l'artiste prétendu, chercher à ressentir pour écrire.
D'un calme terrifiant, Aidan Moffat récite cette incapacité. Il s'attarde sur le sexe. Du sexe mécanique, sans une once d'érotisme. Les choses comme elles sont, jamais comme elles sont censées être. Absence totale de romantisme, l'échec de l'amour, le refuge dans le sexe. Comme si les deux étaient profondément hermétiques l'un à l'autre, comme deux entités incompatibles. Jamais il ne cherche à trouver les raisons de son incapacité. C'est comme ça, c'est ainsi. Peut-être était-ce la faute de celle qu'on veut ignorer dans un bar, et qui nous appelle d'un air enjoué, peut-être était-ce la faute de la pleine lune. Mais finalement, c'est comme ça. La fatalité hante la voix de Moffat, les claviers chantent l'oppression du destin et la guitare se love dans ce sort plutôt confortable.

Philophobia est un terrible aveu d'impuissance. Les choses sont telles qu'elles doivent être, pas besoin d'essayer de les changer. Peut-être que le temps améliorera tout ça. Peut-être pas. Alors autant essayer de s'y habituer, et d'en faire quelque chose de noble et de beau. Comme un disque, avec une pochette peinte, un petit côté intello. Peut-être qu'en étant vraiment cru dans les textes, ça pourra passer pour du second degré.

Constat d'échec peut-être, mais œuvre d'une fragilité bouleversante voire effrayante. Arab Strap sortait Philophobia en 1998, et Chemikal Underground vient de le rééditer, avec de nombreuses versions inédites. Mais on se contentera de l'essentiel, nous aussi.

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